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Les 4 facteurs majeures qui vont déclencher une crise alimentaire mondiale

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La crise alimentaire mondiale se profile. Depuis la crise sanitaire, les français redécouvrent les pénuries de matières premières mais depuis quelques mois, ce sont les denrées alimentaires qui sont touchées.

Si les français peuvent compter sur un climat clément et sur les agriculteurs pour éviter la famine, ce n’est pas le cas dans d’autres régions. Le blé, céréale essentielle dans l’alimentation de nombreuses contrées du monde, pourrait venir à manquer et provoquer une crise alimentaire mondiale qui pourrait durer des années selon l’ONU. Explications dans cet article.

Le prix des fertilisants

La hausse des prix de l’énergie a déjà entraîné une augmentation des prix des fertilisants bien avant la guerre en Ukraine. 80% du coût de production de l’ammoniac est lié à l’utilisation de gaz naturel. Face à cette situation, les industriels ont augmenté les prix des engrais chimiques, certains ont même fermé leur usine. Depuis 2020, le prix des fertilisants a presque quadruplé.

Les deux plus gros producteurs d’engrais chimiques de la planète, la Chine et la Russie, ont stoppé l’exportation des fertilisants. Ces deux pays protègent leurs capacités à produire des céréales pour leur population, tandis qu’ils hypothèquent les volumes et la qualité du blé des pays qu’ils approvisionnent d’ordinaire. Le prix des engrais, dopé par celui du gaz, a flambé de 300 % en quelques mois.

Résultat, ce sont les agriculteurs du monde entier qui peinent à ensemencer correctement leurs champs et cela se répercute déjà sur les prix des denrées alimentaires dans les supermarchés. Dans certains coins du monde, les agriculteurs sont obligés de se passer des engrais chimiques quitte à diminuer les rendements agricoles. Les récoltes pourraient être 30 à 50% inférieurs aux autres années.

En juin 2019, le prix de la tonne de blé était en moyenne de 175 euros. Aujourd’hui, elle est à 400 euros soit entre deux et trois fois plus chère ! Le prix du pain pourrait exploser dans les mois qui viennent avec toutes les conséquences que cela provoquera dans des pays déjà fragilisés par la crise sanitaire et l’inflation.

Les prix des fertilisants indexés sur le prix de l'énergie accentuent la crise alimentaire mondiale
Les prix des fertilisants accentuent la crise alimentaire mondiale

La guerre en Ukraine

Le bassin de la mer Noire concentre des terres agricoles parmi les plus fertiles du monde.  La guerre en Ukraine a augmenté l’inquiétude des marchés et de l’ONU. Kiev et Moscou sont les principaux exportateurs de blé dans le monde (32%).

Près d’une quarantaine de pays reçoivent au moins 50% de leur approvisionnement en céréales des deux géants de l’exportation céréalière et pourraient bien se retrouver confronter à une catastrophe alimentaire. Même le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU achète dans la région de la mer Noire 70 % de ses approvisionnements pour les pays déjà en situation critique comme le Yémen ou le Liban. 

Les conséquences directes de la guerre en Ukraine :

  • les bombardements et combats sur les terres agricoles diminuent la possibilité de travailler la terre
  • les bombardements des voies ferroviaires qui permettent l’acheminement des denrées alimentaires vers les ports ou les pays frontaliers
  • le manque de main d’œuvre agricole car beaucoup de civils ont fui le pays tandis que d’autres ont rejoint l’armée
  • le blocage des ports ukrainiens par l’armée russe notamment Odessa
  • des mines dans le chenal maritime installées par l’Ukraine pour ralentir la flotte militaire russe
  • les sanctions économiques contre la Russie qui provoquent un blocage des exportations

De nombreux pays au Moyen Orient, au Maghreb, en Afrique ou encore en Asie sont dépendant des importations de céréales russes ou ukrainiennes. L’Egypte importe jusqu’à 80% de son blé de la « Black Sea Region ». Les stocks du pays seraient déjà grandement entamés. Idem au Liban, déjà victime d’un effondrement économique, où les autorités restent floues sur les stocks encore disponibles pour éviter le retour des manifestations et des émeutes de la faim.

Les Etats-Unis et la Russie s’accusent mutuellement d’être responsables de la situation dans une guerre de communication. Cependant, ce sont bien des centaines de millions de personnes qui pourraient être impactées par la situation.

Le dérèglement climatique

Si l’énergie et la géopolitique ne suffisaient pas, le climat a également décidé de ne faire aucun cadeau aux agriculteurs. Des sécheresses importantes et des inondations ont frappé les Etats-Unis, l’Inde, l’Australie ou encore l’Europe. Les récoltes seront probablement plus faibles en 2022 que les années précédentes.

Les fermes américaines ont beaucoup de retard sur leurs récoltes. Seulement 73% des acres de blé prévues pour le printemps ont été plantées. La moyenne des années précédentes était de 92%. Les Etats-Unis sont le deuxième plus grand fournisseur du blé mondial.

Et les vagues de chaleur ne sont pas prêtes de s’arrêter comme le montre cette vidéo ci-dessous filmée au Kansas où au moins 10 000 vaches sont mortes de chaleur.

Les agriculteurs à travers le monde sont désemparés et évoquent des gelées plus tardives, des pics de températures ou encore des intempéries imprévisibles. La manifestation du réchauffement climatique accentue les incertitudes autour de la crise alimentaire.

Les scientifiques préviennent depuis des décennies sur les conséquences du réchauffement climatique pour l’accès à l’eau et aux denrées alimentaires principales. Paradoxalement, l’agriculture intensive est pointée du doigt comme l’une des principales causes du dérèglement climatique et de la destruction de l’environnement.

Le protectionnisme alimentaire face à la crise alimentaire mondiale ?

Face à la crise alimentaire, des pays exportateurs de céréales et de fertilisants stoppent leurs exportations pour sécuriser leurs stocks.

Comme expliqué plus haut, les deux plus gros producteurs de fertilisants de la planète, la Chine et la Russie, ont déjà stoppé l’exportation des fertilisants.

Pékin a également organisé depuis des mois des réserves stratégiques importantes telles que le charbon, le métal, le riz ou le blé. Le Parti Communiste chinois a tout prévu. La Chine possède 70% des réserves de maïs, 50% du blé et 60% des réserves mondiales de riz.

Le protectionnisme des pays exportateurs accélèrent la crise alimentaire mondiale
Le protectionnisme des pays exportateurs accélèrent la crise alimentaire mondiale

L’Inde a également annoncé qu’elle suspendait ses exportations de blé afin d’assurer la « sécurité alimentaire » de ses 1,4 milliard d’habitants. Le pays qui a fait face à des chaleurs extrêmes devait palier en partie à la baisse des exportations ukrainiennes. Mais le monde devra faire sans.

L’Indonésie, premier producteur mondial d’huile de palme, a également décidé de garder son huile pour elle. Plusieurs autres pays, dont l’Argentine et la Hongrie, ont décidé récemment d’interdire les exportations de leurs produits de base, de les plafonner ou de les limiter. Au total, ce sont 16 pays qui ont décidé de restreindre leurs exportations de nourriture depuis le début de la guerre en Ukraine.

L’interdépendance des Etats en question

A l’image des disfonctionnements durant la crise sanitaire, les jeux d’interdépendance et la coopération entre les Etats sont mis à rude épreuve. Les chaînes alimentaires mondiales sont en train de dérailler à pleine vitesse.

Les conséquences d’un tel disfonctionnement pourraient être dramatiques avec notamment l’apparition d’émeutes de la faim aux quatre coins du monde ainsi que des famines en Afrique et au Moyen Orient.

Dans un prochain article, nous nous intéresserons de plus près aux conséquences (sociales, géopolitiques et économiques) d’une telle crise alimentaire mondiale. Nous verrons également comment améliorer la résilience des pays notamment par des chaînes d’approvisionnement plus courtes et une production locale.

Sami Idir ZARELI
Rédacteur web (écologie, collapsologie, énergie, agriculture)

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