La nécessité de la transition énergétique est l’une des problématiques les plus foisonnantes à l’heure actuelle. Son bien fondé est incontestable pour l’avenir de la planète… C’est donc que vous n’avez pas lu « L’énergie du déni » de Vincent Mignerot aux éditions Rue de L’échiquier ! Le livre est succinct, 80 pages qui résument un principe foudroyant : non, le déploiement de nouvelles formes d’énergie dites de substitution n’améliore pas nos perspectives futures, bien au contraire. Un livre qui laisse sans voix, étayé par des exemples sur tous les fronts.
L’énergie du déni ou l’illusion comme récit de la transition énergétique
L’ouvrage de Vincent Mignerot est séduisant par la thèse qu’il défend : l’effort de transition énergétique en développant des énergies moins néfastes pour l’environnement, les ENS (énergies renouvelables et hydrocarbures) ne permet pas une réduction des émissions de gaz à effet de serre, au contraire, il les amplifie et les favorise. Plus de dégâts seraient à déplorer que si rien n’avait été entamé.
« Non seulement il n’y aurait pas substitution, mais les différents modes de production d’énergie se renforceraient les uns les autres ».
Notre société a besoin de réconfort et se construit des récits allant dans ce sens. L’idée s’avère audacieuse puisque jamais nous n’aurions interprété la transition énergétique comme un récit, nous l’envisageons justement comme une réalité, certes lacunaire, mais quasiment palpable, mesurable et surtout salutaire. On a été dupes car on aime se complaire dans une pseudo maîtrise de ce qui nous entoure et surtout, on veut se persuader de notre capacité à agir positivement.
« Si sans maîtrise nous filons droit vers l’abîme, l’illusion du contrôle nous y précipiterait plus vite encore. »
Toutefois, il n’est pas seulement question de le dire, il faut aussi le justifier et les exemples ne manquent pas : vente de crédits carbone, « récupération assistée du pétrole », la dépendance menaçante des ENS vis-à-vis des hydrocarbures. Les énergies dites de substitution sont assiégées par les hydrocarbures, elles sont empêtrées dans leur servitude et sont, pour l’heure, incapables de s’auto-gérer.
Un arbitrage court terme/ long terme poussé par la cupidité
Malgré les idées reçues, la prise de conscience de notre impact négatif sur notre environnement n’est pas récente. Les économistes du XIXe siècle avaient déjà pressenti les effets délétères d’une recherche sans borne d’une croissance qui se voudrait infinie mais qui rencontre de facto les limites de ressources finies.
« Nous devons faire un choix capital entre une grandeur éphémère et une médiocrité prolongée », écrit William Stanley Jevons, économiste et logicien britannique du XIXe siècle.
Notre course à la richesse est une dynamique en mouvement qui s’inscrit dans l’histoire, elle évolue au rythme des avancées. Pourtant, même si on la considère comme quelque chose d’inné, elle fait aussi figure de choix. L’Homme a choisi une voie, celle du court terme en sachant qu’elle ne durerait pas. On a beau avoir foi dans le progrès technologique, pour l’heure, la solution miracle n’existe pas. Ces choix historiques s’ancrent dans une réalité de plus en plus préoccupante.
Vincent Mignerot invite à réfléchir sur le « collapswashing », à l’image du greenwashing, il s’agit de montrer comment le domaine de l' »effondrisme » a été investi en tant que marché à part entière.
Quelles solutions selon Vincent Mignerot ?
L’auteur insiste sur le fait qu’il n’y a pas de transition mais un renforcement des systèmes productifs tels qu’ils existent. La transition énergétique cache un désir pervers de croissance effrénée. Ce n’est donc pas les conséquences qu’il faut traiter mais bien les causes. Il ne faut pas chercher à produire toujours plus avec des moyens plus ou moins « écologiques » mais à consommer le moins possible.
« L’énergie du déni » pointe du doigt la sollicitation de la société thermo-industrielle et les solutions sont pour le moins drastiques puisqu’il faudrait encourager la réintroduction du travail humain (sans animaux), « se délester des garanties de la vie (les assurances) et un meilleur partage des richesses.
Nulle volonté de découragement mais au vu de l’insatiable volonté de consommer et du besoin constant d’un avenir protégé et assuré, l’application de ces méthodes draconiennes risque de peiner…
A l’heure où le Giec définit pour la première fois le terme de sobriété, cet ouvrage fait l’écho d’une prise de conscience dans notre appréhension du monde et de ce qu’il nous offre. Il remet en lumière l’importance du discours développé autour de notre rapport à l’environnement et à son avenir. Quels sont les nouveaux récits qui peuvent émerger dans un monde fragilisé par l’Homme ?