Recep Erdogan et Donald Trump sont sous le feu des critiques après avoir conclu un accord permettant à la Turquie de créer une zone tampon à sa frontière aux dépens des combattants kurdes en territoire syrien.
L’Union Européenne a menacé la Turquie de ne pas verser les trois milliards d’euros promis dans le cadre d’un accord migratoire suite à l’offensive militaire turque en Syrie. En réponse, Erdogan a promis d’ouvrir ses frontières pour permettre aux réfugiés syriens de se rendre en Europe de l’Ouest.
« Vous n’avez jamais été sincères. À présent ils disent qu’ils vont bloquer trois milliards d’euros (promis à la Turquie dans le cadre de l’accord migratoire). Avez-vous jamais respecté une promesse qui nous a été faite ? Non », a encore martelé Recep Tayyip Erdogan. « Avec l’aide de Dieu, nous poursuivrons notre chemin, mais nous ouvrirons les portes » aux réfugiés.
Les réfugiés syriens, arme de déstabilisation massive
En 2016, Ankara s’était engagé à bloquer ses frontières pour enrayer le flux migratoire de réfugiés syriens qui souhaitaient se rendre en Europe. Cet accord signé avec l’Union Européenne pourrait être remis en question suite à l’offensive terrestre turque contre les Forces Démocratiques Syriennes.
« Ô Union européenne, reprenez-vous. Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants », a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d’un discours à Ankara.
La menace d’un flux important de réfugiés sur les routes d’Europe est prise très au sérieux par l’Union Européenne. L’Allemagne actuellement en récession industrielle ne peut plus se permettre d’accueillir des réfugiés syriens. La chancelière Angela Merkel apparaît affaiblie dans le champ politique allemand depuis qu’elle a accepté 1 million de réfugiés. L’extrême droite progresse à chaque élection et pourrait profiter d’un désaccord avec la Turquie pour faire pression sur le gouvernement allemand.
Idem en France où Emmanuel Macron vient d’engager un énième débat sur l’immigration. L’Angleterre du populiste Boris Johnson est de son côté embourbée dans un Brexit qui n’en finit plus tandis que l’Italie vient tout juste de se donner un répit face à l’ascension de l’identitaire Matéo Salvini.
Une bombe migratoire serait l’ultime problème pour une Europe en proie à une récession, à des désaccords majeurs avec leur allié historique américain et une montée des partis d’extrême droite.
Ankara ne veut pas de Kurdistan
La Turquie est en conflit avec les combattants indépendantistes kurdes du PKK depuis 1984. Les rebelles souhaitent créer leur propre état entre la Syrie, l’Irak, la Turquie et l’Iran. Le PKK, branche turque des YPG syriens, composante majoritaire des FDS (Forces Démocratiques Syriennes), a pendant longtemps combattu le pouvoir d’Ankara dans le Kurdistan turc.
Lors de l’explosion du conflit syrien, les forces kurdes, soutenues militairement et financièrement par les forces occidentales, étaient aux premières lignes des combats contre l’organisation jihadiste EI en Irak et Syrie. Les YPG, qui sont devenus côté syrien les FDS , ont pris position sur de grands territoires au nord Est de la Syrie et au Nord de l’Irak.
Ankara craint une autonomie de ces territoires tenus par les combattants kurdes face aux régimes affaiblis de Bagdad et Damas. La création d’une nation kurde provoquerait rapidement une déstabilisation de la Turquie où une importante minorité kurde y vit. Le pays pourrait être de nouveau découpé après une longue et sanglante guerre civile. Le conflit entre les deux parties a déjà fait plus de 45 000 morts. Un choix que ne peut imaginer Recep Erdogan, grand nostalgique du Califat Ottoman.
La stratégie de la Turquie est de remplacer les FDS dans les territoires du nord Est de la Syrie par les rebelles syriens (arabes) de l’ASL (Armée Syrienne Libre) afin de créer une zone tampon entre la Syrie contrôlée par Bachar al Assad et la frontière turque. Ankara mettrait ainsi un terme au rêve d’un grand Kurdistan longtemps espéré par les combattants kurdes.
Donald Trump critiqué dans son camp
Donald Trump essuie quant à lui de vives critiques de la part de son propre camp. Afin de rassurer ses alliés au Congrès, il a menacé sur Twitter la Turquie de sanctions économiques tout en indiquant vouloir « mettre fin à ces GUERRES SANS FIN.»
«Je dis frapper la Turquie très fortement d’un point de vue financier et avec des sanctions s’ils ne jouent pas selon les règles! Je regarde très attentivement», a tweeté Donald Trump.