Les scientifiques indiquent que pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 2,5 tonnes par personne et par an d’ici 2030. Mais les efforts doivent-ils être les mêmes pour tout le monde alors que les responsabilités ne sont pas les mêmes ?
Selon le site The Conversation, qui se base sur une étude universitaire sur un échantillon de 275 000 ménages, la grande majorité des citoyens de l’Union Européenne abusent de ce précieux budget carbone pour rester en dessous des 1,5 °C. L’empreinte carbone moyenne équivaut à environ 8 tonnes de CO2 par personne soit à peu près trois fois trop pour contenir le réchauffement climatique.
En regardant plus en détail, les chercheurs observent que certains ménages qui composent les 1% des plus gros pollueurs ont une empreinte carbone 22 fois supérieure à la limite de 2,5 tonnes. En moyenne, les personnes de ce groupe émettent des gaz à effet de serre équivalant à 55 tonnes de CO₂ par personne et par an. Ces foyers n’ont pas des revenues démesurées mais très confortables avec environ 40 000 euros par an et par personne en moyenne.
Les transports ne sont pas les mêmes pour tous
Les 10% les plus pollueurs de l’UE représentent 27% de l’empreinte carbone totale de l’UE, une contribution plus importante que celle des 50% les plus pauvres. Ces différences marquées dans l’empreinte carbone sont enracinées dans les choses que les gens achètent et consomment.
Selon l’analyse, les vols réguliers sont responsables de 41% de l’empreinte carbone des 1% des premiers émetteurs, et presque tous les vols effectués dans l’UE le sont par les 10% des plus gros pollueurs. Les déplacements en voiture représentent également près d’un tiers de l’empreinte carbone parmi les 10% les plus émetteurs de carbone de l’UE.
« Dans le même temps, les plus pauvres consacrent une part plus importante de leur salaire aux transports, y compris le carburant, la taxe routière et l’assurance automobile.
Les politiques qui augmentent le prix des déplacements en voiture, telles que les augmentations des taxes sur le carburant, pourraient nuire le plus aux plus pauvres si elles ne sont pas accompagnées d’un soutien pour passer à des alternatives plus propres telles que les transports publics », expliquent les chercheurs Diana Ivanova et Richard Wood.
Les pauvres utilisent principalement leur véhicule pour se rendre au travail tandis que les riches achètent de nouvelles voitures dont il n’ont pas besoin et voyagent beaucoup.
Vivre autrement
Pour les experts, les décideurs doivent cesser d’encourager les produits de luxe comme les voyages en avion et mieux lutter contre la dépendance à la voiture. Les solutions proposées sont une amélioration des infrastructures de transport public, des pistes cyclables et de marche adéquates.
Les villes doivent être repensées notamment au niveau de la densité et de l’emploi. Les pratiques sociales et les modèles commerciaux qui renforcent la dépendance à la voiture doivent également être revues.
« Dans l’état actuel des choses, vivre dans les limites du climat signifie le plus souvent vivre dans des conditions inadéquates, avec moins de possibilités de voyager ou d’acheter des choses. »
Cela est particulièrement vrai dans les pays de l’UE qui dépendent fortement du charbon pour produire de l’énergie, comme l’Estonie et la Bulgarie.
Le nucléaire et les énergies renouvelables
Alors que les plus riches sont clairement responsables des émissions les plus élevées, le Danemark et la France ont des empreintes carbone bien inférieures pour le même niveau de revenu par rapport aux autres pays européens. Cela pourrait être dû au fait qu’ils produisent davantage de leur électricité à partir du nucléaire et des énergies renouvelables.
Les chercheurs mettent également en avant l’importance de l’Etat-providence avec des services publics et des transports publics importants. Une qualité de vie devenue possible par une meilleure implication de l’Etat évite aux citoyens de réfléchir à des solutions individuelles souvent coûteuses en énergie.
Au total, seulement 5% des ménages européens interrogés vivent dans les limites souhaitées par l’accord de Paris pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C. Éviter de voler, de vivre sans voiture et de suivre un régime végétalien peut réduire l’empreinte carbone personnelle mais ne suffira pas sans un changement radical de nos sociétés.
» La réduction de l’intensité en carbone des chaînes d’approvisionnement mondiales pourrait garantir à chacun une nutrition, un abri, une éducation, des soins de santé et une mobilité adéquats dans les limites planétaires », écrivent les experts.
Les inégalités dans les émissions de carbone sont à prendre en considération dans la mise en place de mesures écologiques afin d’éviter des révoltes sociales. La passivité des gouvernements occidentaux mène le monde vers un avenir avec moins de chances d’atteindre les objectifs climatiques et maintenir un bon niveau de vie.