La France, l’Allemagne et d’autres pays d’Europe se préparent à vivre des pénuries d’énergie en plein hiver. La Russie a décidé de diminuer voire couper les livraisons de gaz aux pays européens qui organisent les sanctions économiques en soutien à l’Ukraine.
Face au manque d’énergie, les gouvernements européens ont décidé de relancer les centrales à charbon. Un choix à court terme qui pourrait avoir des conséquences sur la lutte contre le réchauffement climatique.
France : diminuer la consommation d’énergie pour éviter les pénuries d’énergie
Dans une tribune commune publiée dans le JDD, Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Jean-Bernard Levy (EDF) et Catherine MacGregor (Engie) appellent les français à réduire « immédiatement » leur consommation de pétrole, de gaz et d’électricité.
« L’effort doit être immédiat, collectif et massif. Chaque geste compte », peut-on lire dans le JDD.
Les patrons de l’énergie en France craignent que les stocks en gaz pour l’hiver prochain soient insuffisants ce qui pourrait provoquer des pénuries d’énergie. La France souhaite remplir à 100% ses réserves de gaz pour le début de l’automne.
Certains pays européens connaissent déjà des difficultés et les autorités ont décidé de rationner.
« Le niveau d’alerte sur les stocks de gaz au niveau européen est dès lors élevé et des mesures de rationnement sont mises en place dans certains pays ».
Allemagne : les pénuries d’énergie et la fabrique de la pauvreté
L’Allemagne se dirige vers des pénuries d’énergie si les livraisons de gaz russe restent aussi faibles qu’elles le sont actuellement. Les usines pourraient même fermer et mettre des millions d’allemands au chômage si l’énergie venait à manquer en hiver, a déclaré le ministre de l’économie Robert Habeck au magazine Der Spiegel.
« Les entreprises devraient arrêter leur production, licencier leurs travailleurs, les chaînes d’approvisionnement s’effondreraient, les gens s’endetteraient pour payer leurs factures de chauffage, que les gens s’appauvriraient », a déclaré Habeck à Der Spiegel, ministre de l’économie allemand.
Les consommateurs allemands pourraient voir doubler ou tripler leurs coûts énergétiques, qui, dans certains cas, sont déjà de 30 à 80 % plus élevés en raison des augmentations de prix de l’automne dernier, a déclaré vendredi à la chaîne de télévision ARD Klaus Mueller, directeur du régulateur de réseau allemand Bundesnetzagentur.
L’Allemagne a déclenché jeudi la phase 2 sur 3 de son plan d’urgence pour le gaz, qui entre en vigueur lorsque le gouvernement constate un risque élevé de pénurie de gaz à long terme. Les réserves seraient actuellement autour de 60%.
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Le retour du charbon en Europe pour lutter contre les pénuries d’énergie
Pour pallier le manque de gaz, les pays européens ont tous déclaré que des centrales à charbon dites « de réserve » pourraient être redémarrées pour garantir la sécurité énergétique des pays. Le charbon russe est remplacé par celui d’Afrique du Sud.
Allemagne
L’Allemagne, première puissance économique européenne, tente difficilement de se passer du gaz russe. La part des importations de gaz russe est passée de 55 à 35 % en deux mois. Berlin paye les choix de l’administration Merkel qui avait décidé de sortir du nucléaire pour se concentrer sur le gaz et les énergies renouvelables, mais cet hiver, ce sont bien des centrales à charbon qui seront relancées pour pallier le manque d’énergie.
France
Le nucléaire français est la première source de production et de consommation d’électricité. Les 56 réacteurs de différents niveaux de puissance sont répartis sur l’ensemble du territoire. Cependant, 24 d’entre eux sont à l’arrêt pour des raisons de maintenance.
Face à ce nouveau fiasco, le gouvernement français a également fait le choix de se préparer à relancer sa centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle « à titre conservatoire ». Trois centrales à charbon sont déjà en activité.
Italie
L’Italie est l’un des plus gros consommateurs européens de gaz, combustible qui représente 42% de sa consommation énergétique, et elle en importe 95%. Rome a annoncé avoir réduit ses importations de gaz russe à 25%, contre 40% l’an dernier. Le pays peut compter sur l’Algérie qui est devenue son premier fournisseur depuis Mai 2022.
Malgré tout, les autorités ont annoncé qu’elles prévoyaient d’acheter du charbon pour faire tourner si besoin ses centrales au charbon à plein régime et économiser du gaz.
Le reste de l’Europe
De nombreux pays européens ont également décidé de relancer les centrales à charbon quitte parfois à suspendre les restrictions de production mises en place pour soutenir la lutte contre le réchauffement climatique.
C’est le cas notamment des Pays-Bas qui ont annoncé « que les centrales électriques au charbon peuvent à nouveau fonctionner à pleine capacité au lieu du maximum de 35 % ». L’Autriche a aussi annoncé le redémarrage d’une centrale à charbon désaffectée du sud du pays.
Le climat et l’environnement passeront après..
Les promesses pour lutter contre le réchauffement climatique pourront attendre. Les pays occidentaux, principaux pollueurs du monde, ont décidé de relancer le charbon. Le charbon est l’énergie la plus émettrice de gaz à effet de serre, deux fois plus que le gaz fossile.
A noter que le gaz de schiste, que la France refuse d’explorer sur son territoire, est désormais acheté massivement par les européens. Engie a signé un contrat de 15 ans, pour l’achat de 2,4 milliards de mètres cubes annuels de gaz de schiste américain. Ce contrat, jusqu’ici bloqué pour des raisons environnementales, permettra à la France de diminuer les importations de gaz russe.
Les choix stratégiques des pays européens démontrent que le business ne peut être la seule boussole de la transition énergétique. L’Allemagne souhaitait devenir un hub gazier quitte à devenir totalement dépendante de la Russie. La France, pays où les centrales nucléaires sont légion, voit la moitié de son parc nucléaire à l’arrêt pour des raisons de maintenance coûteuse.
Les infrastructures pour se passer des énergies non-renouvelables sont loin d’être prêtes malgré l’urgence climatique. Les tensions avec la Russie changeront-elle la donne ?
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L’électrification des sociétés face au réchauffement climatique
Ces solutions à court terme pourraient bien avoir des conséquences sur le réchauffement climatique. Des « tensions » sur les capacités de production électrique apparaissent notamment parce qu’elles ont été amputées de la production hydraulique en raison de la sécheresse.
L’Italie, dont le secteur énergétique est déjà en difficulté, a dû se résoudre à augmenter les lâchers d’eau pour soutenir l’agriculture. La hausse des températures fait aussi grimper la consommation d’électricité en été à cause d’un « effet ventilateurs et climatisation ».
Les niveaux des cours d’eau ou leur température élevée pourraient empêcher le bon fonctionnement des centrales nucléaires et les centrales hydrauliques dès l’été 2023. Le risque de black out n’est pas à écarter.
L’électrification croissante des sociétés, que ce soit la fameuse smart city, la voiture électrique ou la pompe à chaleur, est-elle viable ? La production électrique dans un climat qui se réchauffe est un sujet à ne pas négliger !
Sami Idir ZARELI
Rédacteur web (écologie, collapsologie, énergie, agriculture)
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