Le commandant en chef de la sécurité et du renseignement iranien a été tué vendredi matin lors d’une frappe de drone américaine à l’aéroport international de Bagdad.
Le commandant, le major-général Qassim Soleimani, qui dirigeait la puissante force Quds du Corps des gardiens de la révolution islamique, a été tué avec plusieurs responsables des milices irakiennes soutenus par Téhéran lorsqu’un drone américain MQ-9 Reaper a tiré des missiles sur un convoi qui allait quitter l’aéroport.
Le général Soleimani a été l’architecte de presque toutes les opérations importantes des services de renseignement et militaires iraniens au cours des deux dernières décennies, et sa mort a été un coup terrible pour l’Iran à un moment de conflit géopolitique de grande ampleur.
En Iran, l’heure est à la vengeance. Les programmes de télévision ont été interrompus pour annoncer la mort du général Soleimani et des prières ont été prononcées sur le défunt comme le veut la coutume.
Les dirigeants ont convoqué une réunion de sécurité d’urgence. Et le chef suprême du pays, l’ayatollah Ali Khamenei, a publié une déclaration appelant à trois jours de deuil public, puis à des représailles.
« Son départ vers Dieu ne met pas fin à son chemin ni à sa mission », indique le communiqué, « mais une vengeance énergique attend les criminels qui ont son sang et le sang des autres martyrs de la nuit dernière entre leurs mains ».
Les autorités américaines annoncent être prêtes à d’éventuelles attaques de représailles iraniennes, notamment des cyberattaques et du terrorisme, contre ses intérêts et ceux des alliés américains.
Donald Trump n’a pour l’instant pas communiqué sur ces frappes de missiles contre l’un des plus importants responsables iraniens. Le président US a juste publié un drapeau américain sur son compte Twitter comme un rappel de la supériorité militaire des Etats-Unis sur le reste du monde.
Le général Soleimani est le principal artisan de la domination et l’influence iranienne sur de nombreux pays arabes comme le Liban, l’Irak, le Yémen ou encore la Syrie. Il a notamment organisé la protection de Bachar Al Assad en armant les milices chiites et alaouites, en réorganisant l’armée du régime syrien et en travaillant en coopération avec les russes.
Selon le communiqué de la Maison Blanche, le général Soleimani serait responsable de la mort de centaines de soldats américains et occidentaux lors de la guerre en Irak en fournissant aux insurgés irakiens du matériel et une formation avancée pour la fabrication de bombes artisanales. Il serait également en lien avec les différentes milices armées chiites au Liban, au Yémen, en Syrie et en Irak.
Le général Soleimani a été tué à la sortie de l’aéroport de Bagdad. Il revenait de Syrie et était surement chargé de gérer la fronde populaire contre l’influence iranienne en Irak. Plusieurs chefs de milices chiites qui étaient avec lui ont également été tués par les milices du drone américain.
En tuant le général Soleimani, Donald Trump, qui jure vouloir la paix, a réalisé ce qu’aucun président n’avait osé avant lui. Cette frappe contre l’un des plus hauts responsables iraniens pourrait être interprété comme une déclaration de guerre. L’opposition Démocrate a d’ailleurs accusé Trump de ne pas avoir prévenu le Congrès avant.
« Soleimani était un ennemi des États-Unis. Ce n’est pas la question », a écrit le sénateur Christopher S. Murphy, démocrate du Connecticut, sur Twitter. « La question est la suivante – comme le suggèrent les rapports, l’Amérique vient-elle d’assassiner, sans aucune autorisation du Congrès, la deuxième personne la plus puissante d’Iran, déclenchant sciemment une potentielle guerre régionale massive? »
La mort du général Soleimani est une énorme perte pour l’Iran. Selon les experts américains, il était depuis 23 ans le pilier des actions iraniennes à l’extérieur.
« Pendant 23 ans, il a été l’équivalent du commandant du JSOC, du directeur de la CIA et du véritable ministre iranien des Affaires étrangères », a déclaré M. Dubowitz, en utilisant un acronyme pour le Joint Special Operations Command des États-Unis. «Il est irremplaçable et indispensable» à l’establishment militaire iranien.
Pour ces mêmes raisons, ont averti d’autres analystes régionaux, l’Iran est susceptible de répondre avec une intensité de proportions dangereuses.
Dès son arrivé au pouvoir, Donald Trump était sorti des accords sur le nucléaire et avait augmenté les sanctions économiques contre Téhéran. Une méthode qui avait été critiquée par les diplomaties européennes également membres de l’accord. L’Iran avait décidé de relancer son programme nucléaire et menaçait les Etats-Unis de représailles si des attaques étaient menées contre son territoire.
En Juin 2019, Donald Trump avait annoncé qu’il avait annulé à la dernière seconde plusieurs frappes contre l’Iran suite à la destruction par le système de défense iranien d’un drone américain. Un choix critiqué par les faucons américains qui jugeaient le président américain trop faible face aux ennemis des Etats-Unis.
En frappant fort, Donald Trump a visiblement choisi de faire taire les critiques à sa droite tout en maîtrisant les critiques à sa gauche.
« Ils (députés démocrates) sont forcément un peu dans l’embarras et pris entre deux feux, car ils ne peuvent pas défendre Soleimani. C’est un bon coup politique pour Trump », estime Corentin Sellin.
Les États-Unis et l’Iran sont impliqués depuis longtemps dans une guerre de l’ombre sur les champs de bataille du Moyen-Orient, notamment en Irak, au Yémen et en Syrie. La tactique a généralement consisté à utiliser des milices pour mener les combats, fournissant un tampon d’une confrontation directe entre Washington et Téhéran qui pourrait entraîner l’Amérique dans un autre conflit au sol sans fin.