« Ce n’est pas de la démocratie ça, c’est une mascarade ! ». C’est par ces mots que Martin, ancien sympathisant de la Primaire Populaire, a conclu sa vidéo dans laquelle il a pu voter quatre fois pour le scrutin permettant la victoire de Christiane Taubira.
Victoire de Christiane Taubira à la Primaire Populaire
La Primaire Populaire (PP) a annoncé un taux de participation à 84,1 % à la clôture des votes soit 392 738 votants ce dimanche 30 janvier. Lors de ce vote numérique, les électeurs ont pu choisir leur candidat parmi lesquels Christiane Taubira, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo ou encore Yannick Jadot. Les principaux candidats proposés s’étaient pourtant dissociés de l’initiative.
Selon les résultats annoncés par les organisateurs, Christiane Taubira a fini en première position devant Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Anne Hidalgo finit 5ème derrière le député européen Pierre Larrouturou.
Voter plusieurs fois à la Primaire Populaire c’est possible
Dans une vidéo publiée le 29 janvier 2022, Martin montre comment il a pu voter plusieurs fois grâce à plusieurs cartes bancaires et numéros de téléphone. Le jeune homme a accusé les organisateurs qui selon lui ont transformé une « initiative salutaire » en « mascarade noyautée par des militants professionnels ».
« Cela suggère que beaucoup de militants ont pu voter plusieurs fois et que le vote n’est ni populaire, ni représentatif, ni légitime », écrit-il en description de sa vidéo.
Martin n’est pas le seul à avoir critiqué le système de vote de la Primaire Populaire. De nombreux sympathisants de la première heure ont vu dans ces failles une occasion facile de tronquer les résultats.
Alex sur Twitter a indiqué avoir prévenu à plusieurs reprises les organisateurs de la Primaire Populaire sur les problèmes liés aux votes sans obtenir de réponse.
Malgré les critiques, les organisateurs de cette Primaire Populaire ont assuré que la triche demeurait « tout à fait marginale et pas de nature à remettre en cause la sincérité du vote ». Les organisateurs ont menacé de mener des actions en justice en « cas de contentieux ».
Enfin, (…) en cas de contentieux (…), nous n’hésiterions pas à mener les actions nécessaires, y compris en justice.
La Primaire Populaire critiquée à gauche
Ces dernières semaines, la Primaire Populaire a été vivement critiquée à gauche, des militants jusqu’aux candidats à la Présidentielle. De Jean-Luc Mélenchon à Yannick Jadot en passant par Anne Hidalgo, plusieurs candidats de gauche ont pris leur distance vis-à-vis de cette initiative.
Etrangement, les candidats à la Primaire Populaire ont été proposés et engagés dans le processus sans leur consentement. Les candidats d’Europe Ecologie – Les Verts, du Parti Socialiste ou encore de la France Insoumise ont été soumis au vote alors qu’ils s’étaient déjà présentés grâce à leur parti respectif.
« Je tiens à vous redire solennellement que je ne veux pas être impliqué dans cette histoire », déclarait Jean-Luc Mélenchon, candidat de l’Union Populaire et Président de la France Insoumise.
Il y a quelques jours sur Twitter, le rédacteur en chef du média Reporterre, Hervé Kempf, a également remis en cause la légitimité de cette initiative dont les principaux intéressés ne souhaitaient pas participer.
Les méthodes utilisées par la Primaire Populaire ont été jugées illégales par le juriste et professeur agrégé de droit public Jean-Philippe Derosier. Dans une tribune publiée dans le JDD, il décrit la Primaire Populaire comme au mieux un sondage voire une « enquête statistique ». Et selon le membre de l’Institut Universitaire de France, ce « sondage » ne respecte pas les prérogatives avant la publication d’un sondage ce qui est passible de 75.000€ d’amende.
La Primaire Populaire proche de la LREM et d’Emmanuel Macron ?
Les militants à gauche ont été nombreux à critiquer le « bureau » de la Primaire Populaire après que plusieurs de ses membres ont été identifiés comme proche de La République en Marche.
Colline Serra, Secrétaire Générale de la Primaire Populaire et autrement engagée avec la LREM
D’anciens tweets de Colline Serra, membre du bureau de la PP, montrent qu’en 2017, elle s’était engagée aux côtés du député Mounir Mahjoubi à Paris. Ce dernier a également été Secrétaire d’Etat chargé du Numérique dans le gouvernement d’Edouard Philippe.
Colline Serra ventait en 2017 le parti d’Emmanuel Macron, La République En Marche, comme un « rassemblement progressiste » qui selon elle n’était ni réservé à la droite ni à la gauche.
Samuel Grzybowski, porte parole de la Primaire Populaire aux méthodes douteuses
Idem pour Samuel Grzybowski, porte-parole de la Primaire Populaire, qui ne cachait pas son enthousiasme en 2016 pour Emmanuel Macron présenté comme le candidat « ni droite ni gauche ».
Il avait d’ailleurs été épinglé récemment pour une vidéo dans laquelle il annonçait vouloir saboter toute candidature à gauche qui ne passerait pas par la Primaire Populaire.
La méthode : empêcher les parrainages d’élus grâce au « serment de Romainville » et critiques sur les réseaux sociaux pour faire baisser la côte de popularité dans les sondages de Mélenchon, Jadot, Hidalgo et autres, afin qu’ils n’obtiennent pas de prêts bancaire.
La Primaire Populaire défavorise la gauche aux élections présidentielles
La Primaire Populaire avait promis de rassembler la gauche derrière son initiative à coup de com’ sur les réseaux sociaux et dans les médias. Cependant, après la victoire de Christiane Taubira, force est de constater que cette nouvelle candidature ne fait que se rajouter à celles des autres candidats de gauche déjà présents dans la course depuis des mois.
En permettant l’intronisation du seul candidat à gauche qui n’a pas encore présenté de programme politique, la Primaire Populaire divise un peu plus un camp qui n’en avait pas besoin. Alors que Zemmour est en train de faire une OPA sur le Front National et une partie de l’UMP, la gauche n’a pas le droit à l’erreur si elle veut éviter un second tour sans elle aux Présidentielles.
Dans le dernier sondage Harris sur le premier tour des élections présidentielles, Christiane Taubira n’est créditée que de 4% des suffrages ! Ces quelques points qui pourraient empêcher Jean-Luc Mélenchon ou Yannick Jadot d’atteindre le second tour de la Présidentielle face à un candidat de droite ou d’extrême droite.
En s’obstinant malgré les critiques, les membres du bureau de la Primaire Populaire ont conforté l’idée que directement ou indirectement, ils ont joué le jeu de la division du camp social et écologiste. Les prochaines semaines permettront de voir ce qui restera de cette expérience politique et si Taubira confirmera son intention d’aller au bout quitte à provoquer un remake de 2017.