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Walking Wonders : décoder les voies neuronales de la locomotion chez les vertébrés

Walking Wonders : décoder les voies neuronales de la locomotion chez les vertébrés

Des chercheurs de l’Institut du Cerveau de Paris ont exploré les complexités de la marche, en mettant l’accent sur le rôle de la région locomotrice mésencéphalique dans le mouvement. Leurs résultats, basés sur des études sur le poisson zèbre, ont des implications potentielles pour la compréhension de maladies comme la maladie de Parkinson. (Neurones corticospinaux chez le poisson zèbre.) Crédit : Martin Carbo-Tano

La marche est un mécanisme complexe impliquant à la fois des processus automatiques et un contrôle conscient. Son dysfonctionnement peut avoir des causes multiples, parfois extrêmement subtiles, au sein du cortex moteur, du tronc cérébral, de la moelle épinière ou des muscles. À l’Institut du cerveau de Paris, Martin Carbo-Tano, Mathilde Lapoix et leurs collègues de l’équipe « Signalisation sensorielle spinale », dirigée par Claire Wyart (Inserm), se sont intéressés à une composante spécifique de la locomotion : la propulsion vers l’avant.

Dans une étude publiée le 4 septembre dans Neurosciences naturelles, ils montrent qu’il s’agit d’une région classiquement appelée région locomotrice mésencéphalique, qui contrôle la vigueur et la vitesse des mouvements, et transmet le message nerveux à la moelle épinière via des neurones de contrôle situés dans le tronc cérébral. Cette nouvelle cartographie réalisée chez le poisson zèbre corrobore les études récentes chez la souris. Elle pourrait éventuellement être étendue aux humains, aidant ainsi à comprendre comment les circuits de contrôle des mouvements peuvent mal fonctionner, comme dans le cas de la maladie de Parkinson.

La complexité derrière les mouvements de routine

Pour ceux qui ont la chance de marcher normalement, l’errance est un comportement tellement attendu qu’on considère à peine qu’il implique des processus complexes, en partie involontaires. « Les animaux se déplacent pour explorer leur environnement à la recherche de nourriture, d’interaction avec les autres ou simplement par curiosité. Mais la perception d’un danger ou d’un stimulus douloureux peut aussi activer un réflexe de fuite automatique », explique Martin Carbo-Tano, postdoctorant à l’Institut du Cerveau de Paris.

Dans les deux cas, l’initiation du mouvement repose sur l’activation des neurones dits de contrôle réticulospinaux, qui forment un réseau entrelacé dans la partie la plus postérieure du cerveau, le tronc cérébral. Ces neurones relaient les signaux nerveux entre le cerveau et la moelle épinière et sont essentiels au contrôle moteur des membres et du tronc et à la coordination des mouvements.

En amont des neurones réticulospinaux se trouve la région locomotrice mésencéphalique (MLR), également essentielle à la locomotion puisque, chez les animaux, sa stimulation déclenche la propulsion vers l’avant. On le retrouve dans de nombreux vertébrésnotamment des singes, des cobayes, des chats, des salamandres et même des lamproies.

« Parce que le rôle du MLR est conservé chez de nombreux vertébrés espèces, nous supposons qu’il s’agit d’une région ancienne dans leur évolution – essentielle pour s’initier à la marche, à la course, au vol ou à la natation », ajoute-t-il. « Mais jusqu’à présent, nous ne savions pas comment cette région transmettait l’information aux neurones réticulospinaux. Cela nous a empêché d’avoir une vision globale des mécanismes qui permettent aux vertèbres de se mettre en mouvement et donc de pointer d’éventuelles anomalies dans cette fascinante machinerie.»

Étude sur les innovations en locomotion

L’étude de l’initiation au mouvement est un peu délicate : les neurones situés dans le tronc cérébral ne sont pas facilement accessibles et observer leur activité in vivo chez un animal en mouvement s’avère difficile. Pour résoudre ce problème, Martin Carbo-Tano a développé une nouvelle approche permettant de stimuler de minuscules zones du cerveau.

Avec Mathilde Lapoix, doctorante. étudiant dans l’équipe de Claire Wyart à l’Institut du cerveau de Paris, les chercheurs ont profité de la transparence du cerveau des larves de poisson zèbre pour localiser les structures impliquées dans la locomotion en aval du MLR et suivre la propagation de l’influx nerveux. Cette méthode, inspirée des travaux de leur collaborateur Réjean Dubuc de l’Université de Montréal, leur a permis de faire plusieurs découvertes remarquables.

« Nous avons observé que les neurones de la région locomotrice mésencéphalique sont stimulés lorsque l’animal bouge spontanément, mais également en réponse à un stimulus visuel. Ils se projettent à travers le pont – la partie centrale du tronc cérébral – et la moelle épinière pour activer une sous-population de neurones réticulospinaux appelée « V2a ». Ces neurones contrôlent les moindres détails du mouvement, comme le démarrage, l’arrêt et le changement de direction. En quelque sorte, ils donnent des instructions de pilotage ! Des travaux antérieurs sur des souris avaient révélé que les neurones réticulospinaux contrôlaient la rotation ; Martin et Mathilde ont découvert le circuit de commande qui déclenche la locomotion vers l’avant », explique Claire Wyart.

Le mésencéphale, une concentration d’intensité

Pour mieux comprendre les effets de ce mécanisme sur les mouvements des larves de poisson zèbre, les chercheurs l’ont déclenché expérimentalement en stimulant la région locomotrice mésencéphalique. Ils ont observé que la durée et la vigueur du mouvement vers l’avant étaient corrélées à l’intensité de la stimulation.

« Les quadrupèdes peuvent adopter différentes allures, comme la marche, le trot ou le galop. Mais les animaux aquatiques marquent aussi des transitions de démarche », ajoute Martin Carbo-Tano. « Nous pensons que le MLR a un rôle à jouer dans cette intensification des mouvements, que nous avons observée chez le poisson zèbre. »

Implications et orientations futures

Pour la première fois, ces travaux ont permis de cartographier les circuits neuronaux impliqués dans l’initiation du mouvement vers l’avant, une fonction déficiente chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Il s’agit d’une étape essentielle pour faire la lumière sur les mécanismes de contrôle moteur en amont de la moelle épinière.

Un jour, il sera peut-être possible d’identifier et de contrôler un à un tous les neurones réticulospinaux pour modéliser en détail le fonctionnement de la locomotion et réparer ceux qui ne fonctionnent pas correctement.

Ce projet a bénéficié du Conseil européen de la recherche (ERC), de la Fondation pour la recherche médicale (FRM), de la Fondation Bettencourt-Schueller (FBS), du programme Marie Skłodowska-Curie European Training Network, financé dans le cadre d’Horizon 2020, du New York Stem Cell Foundation (NYSCF) et le National Institute of Health (NIH).

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