En s'assemblant en grandes structures, l'antibiotique plectasine se fixe sur sa cible à la surface des cellules bactériennes. Ceci est comparable à la façon dont les deux côtés du Velcro forment un lien. Crédit : Gloria Fuentes, édité
Les chercheurs ont découvert un nouveau mécanisme antibactérien de la plectasine, un antibiotique dérivé d'un champignon. L'étude révèle que la plectasine forme des structures de type Velcro qui piègent les composants bactériens essentiels, empêchant leur fuite et améliorant l'efficacité du médicament. Ce mécanisme pourrait guider le développement de nouveaux antibiotiques pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens.
La plectasine, un petit antibiotique, utilise un mécanisme innovant pour tuer les bactéries. Il s’assemble pour former une grande structure qui s’accroche à sa cible à la surface des cellules bactériennes, comparable à la façon dont les deux côtés du Velcro forment une liaison.
Une équipe de recherche a cartographié comment se forme la structure Velcro. Leur découverte dévoile une nouvelle approche qui pourrait avoir de vastes implications pour le développement d’antibiotiques pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens. Publié aujourd'hui (23 mai) dans la revue scientifique Microbiologie naturellela recherche a été dirigée par le biologiste structural Markus Weingarth et le biochimiste Eefjan Breukink de l'Université d'Utrecht.
Techniques de recherche innovantes
L'équipe de recherche s'est penchée sur le fonctionnement de la plectasine, un antibiotique dérivé du champignon Pseudoplectania nigrella. L’équipe a utilisé des techniques biophysiques avancées, notamment la RMN du solide et, en collaboration avec Wouter Roos de Groningen, la microscopie à force atomique.
Traditionnellement, les antibiotiques fonctionnent en ciblant des molécules spécifiques au sein des cellules bactériennes. Cependant, le mécanisme derrière l’action de la plectasine n’était pas entièrement compris jusqu’à présent. Des études antérieures suggéraient un modèle conventionnel dans lequel la plectasine se lie à une molécule appelée lipide II, cruciale pour la synthèse de la paroi cellulaire bactérienne, semblable à une clé s'insérant dans une serrure.

Maik Derks, Eefjan Breukink, Shehrazade Miranda Jekhmane et Markus Weingarth (de gauche à droite). Crédit : Université d’Utrecht
Structures de type Velcro à action antibactérienne
La nouvelle étude révèle un processus plus complexe. La plectasine n'agit pas seulement comme une clé dans une serrure ; au lieu de cela, il forme des structures denses sur les membranes bactériennes contenant le lipide II. Ces complexes supramoléculaires piègent leur lipide II cible, l'empêchant de s'échapper. Même si un lipide II se libère de la plectasine, il reste contenu dans la structure Velcro, incapable de s'échapper.
Weingarth compare cette structure au Velcro, où la plectasine forme les crochets microscopiques qui s'attachent aux « boucles » bactériennes. En Velcro normal, si l’une des boucles se détache de son crochet, elle reste toujours emprisonnée par l’ensemble de la structure. Il en va de même pour les bactéries piégées dans la superstructure de la plectasine : elles peuvent se libérer de la liaison de la plectasine, mais restent piégées dans la superstructure. Cela empêche les bactéries de s’échapper et de provoquer d’autres infections.
Rôle des ions calcium dans l'efficacité de la plectasine
De plus, les chercheurs ont découvert que la présence d’ions calcium renforce encore l’activité antibactérienne de la plectasine. Ces ions se coordonnent avec des régions spécifiques de la plectasine, provoquant des changements structurels qui améliorent considérablement l'efficacité antibactérienne. Les doctorants Shehrazade Miranda Jekhmane et Maik Derks, co-premiers auteurs de l'étude, ont découvert que les ions jouent un rôle essentiel dans l'action de la plectasine. Ils ont réalisé que les échantillons de plectasine avaient une couleur particulière, qui faisait allusion à la présence d’ions.
Implications pour le développement futur des antibiotiques
Markus Weingarth, l'auteur principal de l'étude, s'attend à ce que cette découverte puisse ouvrir de nouvelles voies pour développer des antibiotiques supérieurs.
« La plectasine n’est probablement pas l’antibiotique candidat idéal en raison de problèmes de sécurité. Cependant, dans notre étude, nous montrons que le « mécanisme Velcro » semble largement utilisé parmi les antibiotiques, ce qui était jusqu'à présent ignoré. Les futurs efforts de conception de médicaments doivent donc non seulement se concentrer sur la manière de lier les cibles, mais également sur la manière dont les médicaments peuvent s’auto-assembler efficacement. Ainsi, notre étude comble une lacune majeure dans les connaissances qui pourrait avoir de vastes implications pour la conception de meilleurs médicaments pour lutter contre la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens.