Les manifestants libanais ont défié le couvre-feu et les mesures de distanciation sociale du coronavirus, pour descendre dans la rue et exprimer leur colère face à la pire crise financière du pays depuis la guerre civile de 1975-1990.
Depuis une semaine, la tension est montée d’un cran au Liban où la population peine à se nourrir en pleine crise monétaire due notamment à l’incapacité du pays à rembourser ses dettes. Le 7 mars, le Premier Ministre, Hassane Diab, a déclaré officiellement que les engagements financiers du Liban auprès de ses créanciers ne pourront être acquittés.
Le confinement dû à l’épidémie de coronavirus a donné un répit au nouveau gouvernement libanais mais la situation semble avoir changé ces derniers jours. Mardi, des manifestants ont attaqué des distributeurs automatiques de billets dans le nord du Liban et des rassemblements de colère se sont retrouvés autour de la Banque centrale à Beyrouth, alors que la monnaie locale a plongé à un niveau record de 4 300 lires pour un dollar sur le marché noir, considéré maintenant comme le taux réaliste. Le taux de change officiel, quant à lui, reste fixé à 1 500 lires.
Les foules ont également scandé des slogans contre la flambée des prix provoquée en partie par l’effondrement de la monnaie : le coût des denrées de base comme le sucre a augmenté de près de 70 % tandis que le prix des légumes a doublé au cours de l’année dernière.
« Je le jure devant Dieu, nous sommes affamés », crie un manifestant en colère.
L’un des soldats, portant un masque chirurgical, répond en criant avec le même désespoir : « Je suis plus affamé que toi. »
Dans le Nord du pays, dans la ville historique de Tripoli où les taux de chômage et de pauvreté sont les plus élevés du pays, des affrontements ont eu lieu entre des civils et l’armée déployée dans les rues. Un manifestant de 26 ans, Fawwaz Fouad Al-Seman a été abattu par les forces de sécurité qui, selon Human Rights Watch, ont tiré à balles réelles sur un groupe de manifestants qui usaient de la violence.
« Les manifestants à Tripoli ont tout perdu. Ils n’ont plus de travail, plus de nourriture, plus d’eau, plus d’électricité », a déclaré le photographe Diego Ibarra Sánchez, qui a documenté les protestations. « Tout le monde plonge dans le chaos. »
En pleine crise monétaire, les libanais s’en prennent particulièrement aux banques. Dans la vidéo ci-dessous, des manifestants lancent des cocktails Molotov sur la succursale de la Banque centrale de Saida.
Les experts estiment que l’économie va maintenant se contracter de manière significative. Nassib Ghobril, économiste en chef à la Byblos Bank, a indiqué que la récession estimée à 4% en 2019, atteindra des chiffres à deux chiffres en 2020. L’inflation, qui était estimée à 10% en janvier, devrait également doubler, atteignant environ 20%, les personnes perdant au moins 50% de leur pouvoir d’achat à long terme. Le chômage est également en hausse, avec plus de 200 000 personnes ayant perdu leur emploi en 2019 seulement. Les experts estiment que la situation va encore empirer avec la pandémie de coronavirus.
Le Liban a besoin de ses réserves de devises étrangères pour financer les importations, y compris la nourriture, les médicaments et les matériaux de construction, pour un montant annuel d’environ 20 milliards de dollars.
Avant la pandémie, la Banque mondiale prévoyait que 45 % de la population libanaise serait en dessous du seuil de pauvreté en 2020. Aujourd’hui, le gouvernement estime que jusqu’à 75 % de la population a besoin d’aide, a déclaré le ministre des affaires sociales Ramzi Musharrafieh.