Pendant que Bruxelles patine et se méfie, à Washington les spin doctors ont réalisé depuis des années que les cryptomonnaies ne disparaîtront pas, alors autant les récupérer. Elles furent même l’un des thèmes clés de la dernière campagne de Donald Trump, copieusement soutenu par les lobbys du Web3 (le nom donné au nouvel internet façon décentralisé). Le plus puissant d’entre eux ? Fairshake, un lobby actif depuis 2017 et décisif lors des dernières élections.
Leurs efforts paient, puisque le nouveau président pousse très amicalement l’adoption des cryptomonnaies par les entreprises américaines, y compris les siennes ! Avec trois leviers principaux : créer des règles claires qui rassurent les investisseurs, proposer des avantages fiscaux qui attirent les capitaux, et plus récemment ouvrir des espaces d’expérimentation protégés. Il n’y a pas que les États-Unis, puisque de Dubaï à Séoul, chaque pays dose différemment ces trois ingrédients selon sa philosophie économique et sa stratégie.
La régulation : donner des règles du jeu claires aux entreprises
Les entreprises détestent l’incertitude juridique. Avant d’investir dans les cryptomonnaies, elles ont besoin de savoir ce qui est légal, ce qui ne l’est pas, et quelles sont leurs obligations. Sans cadre réglementaire clair, même les plus audacieuses hésitent à franchir le pas. C’est pourquoi la régulation, contrairement à ce qu’on pourrait penser, favorise souvent l’adoption plutôt que de la freiner.
En Europe : un éclaircissement progressif des zones grises réglementaires
En Europe, on a choisi l’harmonisation avec MiCA (Markets in Crypto-Assets), un règlement entré en application fin 2024. Pour la première fois, les 27 pays membres de l’Union européenne appliquent les mêmes règles. Une entreprise crypto qui obtient un agrément dans un pays peut automatiquement opérer dans tous les autres grâce au “passeport européen”. Plus besoin de négocier avec 27 régulateurs différents : un seul dossier suffit.
Pour les entreprises souhaitant accepter les cryptos, les zones grises disparaissent aussi, laissant un soulagement bien réel. C’est le cas des casinos en ligne, par exemple, dont l’écrasante majorité acceptent les cryptomonnaies comme moyen de dépôt et de retrait de gains par les joueurs. Les règles éclaircies vont leur permettre de professionnaliser davantage leurs transactions en Bitcoin et autres cryptos, parallèlement aux autres moyens de paiement comme la carte bleue et les virements SEPA.
Les joueurs apprécient les casinos Bitcoin comme on les appelle, car ils permettent de jouer au poker et aux machines à sous avec des dépôts minimes (dès 10 euros) sans passer par les banques (qui sont nombreuses à bloquer les paiements par carte au profit de ces plateformes). Mais attention, tous les acteurs ne se valent pas, il faut choisir avec soin avec l’aide de sites spécialisés sur ce secteur. Par exemple, le site 99Bitcoins dévoile les top Bitcoin casinos du moment.
Aux États-Unis : de plus en plus d’entreprises gardent une part de leur trésorerie en Bitcoin !
Les États-Unis ont pris une direction opposée sous l’administration Trump. Le président a signé en 2025 des décrets favorisant explicitement l’innovation crypto. Une nouvelle approche qui privilégie une supervision “amicale” plutôt que répressive sous l’administration Biden. La CFTC (l’autorité des marchés dérivés) a lancé son programme “Crypto Sprint” pour accélérer les autorisations. Le message est clair : les entreprises peuvent expérimenter sans craindre des sanctions immédiates.
Ces dernières semaines, un nombre impressionnant d’entreprises cotées annonce accumuler des cryptos comme réserves financières. Une étude de la société de services financiers Bitcoin River (une plateforme spécialisée dans l’investissement Bitcoin pour les entreprises) a même fait grand bruit : ses clients professionnels réinvestissent en moyenne 22% de leurs bénéfices dans le Bitcoin.
Concrètement, cela signifie qu’une entreprise qui dégage 100 000 euros de profit va en placer 22 000 en Bitcoin plutôt que de tout garder en cash. Les entreprises immobilières sont les plus enthousiastes, suivies par l’hôtellerie et la tech. Au total, ces entreprises traditionnelles ont discrètement accumulé 84 000 bitcoins en 2025 – une somme colossale qui montre que l’adoption dépasse largement le cercle des spécialistes crypto.
Les incitations fiscales : rendre les cryptos financièrement attractives
La fiscalité représente la “carotte” la plus directe pour attirer les entreprises crypto. En effet, une fiscalité punitive fait fuir capitaux et talents vers des cieux plus cléments.
Dubaï, capitale mondiale de la crypto-économie
Dubaï a poussé cette stratégie d’attractivité à son maximum quand les États-Unis étaient hostiles aux sociétés crypto. L’émirat a supprimé toute taxe sur les plus-values crypto. Par exemple, elle exempte de TVA toutes les transactions en cryptomonnaies.
Les entreprises opérant dans les zones franches ne paient que 9% d’impôt sur les sociétés au-delà d’un seuil élevé. Résultat : bon nombre de promoteurs immobiliers de Dubaï acceptent déjà les paiements en crypto, et les tribunaux reconnaissent même la validité des salaires versés en Bitcoin.
Le Salvador, pays pionnier mais aussi investisseur en Bitcoin
Le Salvador va encore plus loin avec une politique qu’on pourrait qualifier de radicale. Le pays a réduit à zéro les impôts sur les revenus provenant d’investissements crypto internationaux. Cette exemption totale vise à transformer le petit pays centraméricain en paradis crypto régional.
Les résultats restent certes mitigés, puisque seulement 20% des entreprises salvadoriennes acceptent effectivement le Bitcoin. Mais le secteur touristique a bondi de 30% depuis que le Bitcoin est devenu monnaie légale et que les mesures anti-gang du président Nayib Bukele portent leurs fruits.
Les sandbox réglementaires : tester sans risquer la prison
Abordons pour finir la sandbox réglementaire. Il s’agit d’un espace d’expérimentation protégé où les entreprises peuvent tester des innovations sans risquer des sanctions pour non-conformité. Le régulateur observe, apprend, et adapte ses règles en fonction des résultats. C’est la reconnaissance pragmatique que la régulation doit évoluer avec la technologie plutôt que contre elle.
Dubaï a créé récemment sa propre sandbox dédiée à la tokenisation d’actifs. Les entreprises peuvent y expérimenter la transformation d’actifs physiques (immobilier, art, matières premières) en tokens numériques échangeables. L’objectif affiché est de devenir le centre mondial de cette nouvelle forme d’investissement. Les participants bénéficient d’un cadre réglementaire allégé et d’un accès direct aux régulateurs pour résoudre les problèmes au fur et à mesure.
Dans l’immobilier au Moyen-Orient et aux États-Unis, beaucoup pensent en effet que la tokenisation d’actifs représente le futur. La numérisation des actes pourrait aider à réduire le coût lié aux intermédiaires (notaires, chambres de compensation, dépositaires) et faire baisser le coût d’accès à la propriété – exorbitant dans certains États américains. Une transaction immobilière y coûte 7 à 15% en frais divers. Pour des volumes institutionnels, les économies se chiffreraient en milliards.


