Lors d’un entretien donné au magazine Marianne, Gaël Giraud, économiste et directeur de recherche au CNRS, répond aux questions autour de la chute brutale des bourses ces derniers jours.
Gaël Giraud explique que la crise sanitaire du coronavirus a paralysé les économies de la Chine et de l’Italie, et bientôt celle de la France. Ces trois pays représentent une part importante du PIB mondial ce qui provoque une inquiétude des marchés.
« Dans la mesure où la bulle spéculative actuelle est fondée sur une montagne de dettes privées, on assiste de la part de certains investisseurs à des ventes massives d’actifs, tant que ces derniers ont de la valeur, afin de pouvoir rembourser leurs dettes ».
La deuxième raison, que nous avons évoqué dans un article complet disponible ici, est la guerre commerciale et énergétique entre la Russie, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. La Russie a refusé de réduire sa production de pétrole comme le souhaitait l’Arabie Saoudite. L’OPEP souhaite faire remonter le prix du baril qui a chuté depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Ce choix de Moscou vise à détruire l‘industrie du schiste aux Etats-Unis. Face à ce refus, Ryad a répliqué en offrant des prix réduits sur son pétrole et en augmentant sa production. Cette situation a provoqué le chaos sur les marchés de l’énergie.
« Beaucoup de banques américaines et européennes sont hautement dépendantes de l’industrie pétrolière. C’est l’ensemble du complexe financiaro-pétrolier qui est menacé ».
A la question de savoir si une crise financière majeure est probable, Gaël Giraud se lance dans un pronostique qui fait froid dans le dos. Selon lui, une crise telle que celle de 2008 est fort probable.
« Je dirais que nous avons deux chances sur trois pour que l’on vive une répétition de 2008. […] Il faudrait que les marchés financiers soient très résilients et très sages pour que la situation ne dérape pas, ce qui n’a pas été leur caractéristique principale jusqu’à présent. «
Gaël Giraud explique que les Etats ont déjà été affaiblis par la crise de 2008 « avec des finances publiques plus dégradées car ils ont déjà dû payer le prix du krach des surprimes ». Les premières victimes d’une nouvelle crise pourrait être les foyers les plus modestes et moyens dont les banques sont fragiles comme en Italie, en Allemagne ou encore en France.
« S’ils choisissent de voler au secours des actionnaires des banques comme en 2008, plutôt que de nationaliser celles qui sont en faillite, cela coûtera encore plus cher aux contribuables. Si le système financier s’effondre, ce sera une fois de plus à ces derniers d’éponger les dettes colossales des banques, comme en Irlande depuis 2010, car l’Union bancaire européenne ne nous protège pas ».
Afin d’éviter un krach important des marchés financiers, Gaël Giraud plaide pour des mesures drastiques de confinement qui éviteront la propagation du coronavirus et l’explosion des décès. L’économiste français accuse aussi l’Etat d’être responsable de nombreuses mesures d’austérité concernant le domaine de la santé.
« Les médecins et les infirmiers font preuve d’un héroïsme inouï pour endiguer la pandémie, mais ils savent que, puisque ce gouvernement préfère défendre les intérêts économiques de court terme plutôt que la vie des Français, il est déjà trop tard ».
Enfin, Giraud a rappelé qu’il militait depuis longtemps pour la séparation entre banques de marché et banques de crédit-dépôt, l’interdiction des ventes à découvert et du trading à haute fréquence, et d’autres mesures qui permettraient d’éviter des krachs.