Des millions d’iraniens ont envahi les rues d’Ahvaz, en Iran, dimanche matin, pour rendre hommage au général iranien Qassem Soleimani, tué vendredi par une frappe américaine en Irak.
Le général Soleimani est présenté par les spécialistes du Moyen-Orient comme l’une des figures les plus importantes du régime iranien. Populaire auprès de la population, très proche du guide spirituel Ali Khamenei, le général Soleimani était respecté par les militaires et miliciens chiites à travers la région pour ses campagnes militaires au Liban, en Syrie et en Irak. Sa mort a provoqué une montée des tensions au Moyen-Orient qui pourrait aboutir à une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran.
Les plus hautes personnalités du régime des mollahs ont fait savoir qu’après le deuil aura lieu une riposte militaire. Plusieurs attaques ont déjà eu lieu ces derniers jours en Irak contre des bases américaines. Les miliciens ont demandé aux forces irakiennes de s’écarter à plus d’un kilomètre de toutes les bases militaires US. Les militaires occidentaux présents dans le cadre d’exercices militaires et de formations de l’armée irakienne ont reçu l’ordre de ne plus sortir de leur base.
Le ton est aux menaces des deux côtés
Face à ces menaces qui font craindre des attaques sur les intérêts américains et ceux de ses alliés dans la région, notamment Israël et les pétro-monarchies, Donald Trump a déclaré que 52 cibles potentielles pourraient être visées si Téhéran ripostait. Des menaces prises au sérieux du côté de la communauté internationale qui appelle à l’accalmie.
Les Etats-Unis ont déjà envoyé 3.500 soldats supplémentaires au Koweït. Une mesure dissuasive qui vise à augmenter la pression sur le régime iranien.
Malgré ces menaces, l’Iran a refusé toute médiation et a indiqué que la seule réponse envisageable était militaire. Dans un communiqué, le gouvernement de la République islamique a annoncé la « cinquième et dernière phase » de son plan de réduction de ses engagements en matière nucléaire, affirmant qu’il ne se sentait désormais plus tenu par aucune limite « sur le nombre de ses centrifugeuses ». Une menace directe quant à l’obtention de l’arme nucléaire qui serait une catastrophe pour l’équilibre de la région, notamment pour la sécurité d’Israël et de l’Arabie Saoudite, deux alliés importants des Etats-Unis.
Le parlement irakien demande l’expulsion des troupes américaines
L’Iran a déjà obtenu une première victoire politique après le vote par le parlement irakien d’une résolution visant à mettre fin à la présence des troupes américaines sur son territoire et “s’assurer qu’elles n’utilisent pas ses terres, ses airs et ses eaux territoriales pour quelque raison que ce soit”. Une décision qui intervient après que Bagdad a accusé Washington d’avoir violé la souveraineté et l’intégrité de son territoire.
Dans la foulée, la coalition anti-djihadistes emmenée par les Etats-Unis a annoncé dimanche qu’elle suspendait l’entraînement des forces irakiennes et le combat contre le groupe Etat islamique (EI). Une annonce qui démontre le changement de cap de la politique américaine qui jusqu’à présent s’était accommodée de l’aide des milices chiites financées par l’Iran pour reprendre les territoires de l’EI en Irak et Syrie.
Une stratégie américaine qui renforce Téhéran ?
Pour certains observateurs, la stratégie de Washington contre Téhéran est une erreur fondamentale à l’heure où son influence était remise en cause en Irak par la population et que d’importantes manifestations avaient lieu partout en Iran à cause notamment des sanctions économiques américaines qui avaient débouché sur l’augmentation des prix et une récession importante.
A Bagdad, les étudiants ont dû changer de stratégie face aux troubles internationaux qui touchent directement le pays. Les messages contre la République islamique ont été remplacé par des messages contre l’utilisation de l’Irak comme terrain de guerre entre américains et iraniens. Les manifestants ont demandé le renvoi des troupes occidentales du pays, souhait exaucé indirectement par un parlement aux mains de l’Iran qui a satisfait au passage les deux camps ennemis au grand dam des Etats-Unis.
Idem en Iran, où la mort de Qassim Soleimani est une perte considérable pour la géostratégie iranienne au Moyen-Orient mais également une aubaine à l’heure où le pays était frappé par une crise économique et une importante contestation. Des manifestations monstres avaient éclaté ces derniers mois réprimées dans le sang par le régime et faisant au moins 1000 morts selon Amnesty International. La mort du général Soleimani est l’occasion pour le régime de rétablir sa légitimité face à « l’agresseur américain » souvent appelé « Grand Satan » dans la rhétorique de la Révolution islamique iranienne.
De son côté, Donald Trump a décidé de jouer le tout pour le tout à onze mois des élections présidentielles américaines. Face à cette nouvelle crise au Moyen-Orient, qu’il a lui même débuté dès son arrivée au pouvoir en retirant les Etats-Unis des accords de Vienne sur le nucléaire iranien et en augmentant les sanctions économiques contre Téhéran, le locataire de la Maison Blanche a dégainé la carte du patriotisme prêt à l’action militaire pour protéger ses ressortissants américains. La publication d’un drapeau américain quelques heures après l’attaque contre Qassim Soleimani et ses menaces de nouveaux bombardements ne laissent aucun doute quant à la stratégie adoptée par les deux camps.