La nouvelle équipe de sécurité nationale prend forme, sous les projecteurs. Les spéculations se tournent vers les priorités de politique étrangère et de défense de la nouvelle administration. Qui parmi ces responsables sera chargé d’élaborer une nouvelle stratégie de sécurité nationale (SNS) ? Mandaté par le Congrès, bien que rarement lu par Joe Public, le NSS est un document public qui en dit long sur les intentions. Il s’agit également d’une piste essentielle à laquelle les agences fédérales doivent adhérer progressivement.
La dernière fois que Donald Trump a façonné son « NSS », c’était en 2017. Une analyste très intelligente, Nadia Schadlow, actuellement à l’Hudson Institute, a fait un travail louable. Dans un cours sur la stratégie à l’Institute of World Politics, une école supérieure basée à Washington, mes étudiants viennent de réaliser un séminaire sur ces 55 pages. Leur devoir initial dans mon programme, la Stratégie de sécurité nationale de Joseph Biden pour 2022, a été relégué au rang de leurs lectures « facultatives » lors des récentes élections.
Le NSS de Trump était confiant, voire bruyant. Sa première ligne annonçait son intention de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Viennent ensuite des passages sur la défaite des ennemis sous-étatiques à l’étranger, la répression des excès de ces « États voyous » comme l’Iran et la contestation des grandes puissances rivales.
Son équipe a remporté tous les débats sur une nouvelle ère de « compétition entre grandes puissances ». Trump a soutenu que c’était le moment et que les États-Unis n’avaient pas seulement l’intention de rivaliser mais de l’emporter. Le Parti démocrate n’avait pas souvent parlé en ces termes, mais c’est désormais le cas : le numéro de novembre-décembre de Foreign Affairs contient un article du secrétaire d’État Anthony Blinken dont la première ligne parle de « concurrence féroce ». Un paragraphe ultérieur ressemble étrangement au programme Trump.
Dans la stratégie 2022 du président Joseph Biden, le renforcement des alliances était sa principale idée politique. La position de Biden était qu’il était insensé de « faire cavalier seul » et de déprécier les alliés de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Son NSS prévoyait « de travailler en étroite collaboration avec nos alliés et partenaires… ». Ce n’est pas possible. Le problème le plus important est qu’après quatre ans, les relations bilatérales ne sont pas meilleures avec la plupart des pays, à l’exception peut-être du Japon et d’un ou deux autres. Il n’y a eu aucune amélioration avec la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou des dizaines d’autres pays. Il en va de même pour les Nations Unies, l'Organisation des États américains, l'Organisation de l'Union africaine et certaines autres organisations régionales. Les « Bi-Lats » sont pires avec Israël – l’aide américaine afflue mais l’opinion y est aussi glaciale que celle du Premier ministre qu’à l’égard de Washington.
Une partie du problème inhérent à de telles stratégies est celle du leadership. Considérez les déclarations explicites contenues dans les documents NSS de Biden et Trump. Ce dernier a peut-être été imprudent dans la mesure où « l’Amérique d’abord » peut facilement décourager d’autres pays de suivre son exemple. M. Biden s’est prononcé contre les efforts « menés par les États-Unis et facilités par les partenaires » en faveur de l’inverse. Mais comme l’ancien vice-président Michael Pence l’a souligné dans un discours ici à notre Institut de politique mondiale le 4 décembre, lorsque l’Amérique ne veut pas diriger, il se rend compte que généralement les autres non plus.
Certes, Biden mérite un grand crédit pour avoir apporté une aide urgente à l’Ukraine, faisant preuve d’un leadership international en formant une coalition pour ce combat. La crise n’était pas anticipée lorsque son équipe composait son NSS, mais la Maison Blanche s’y est adaptée. Le NSS de Trump a critiqué le terrorisme islamiste et, contre toute attente, a rassemblé des dizaines de partenaires internationaux pour liquider le « califat » de l’EI qui grandissait comme un cancer sur les terres du Moyen-Orient. Il est difficile de se rappeler aujourd’hui à quel point cela semblait impossible à la plupart d’exiger une nouvelle action militaire en Irak ! Mais ce succès retentissant a donné suite aux paroles d’une douzaine de documents antiterroristes américains antérieurs, insistant sur l’élimination des « refuges » terroristes.
Traditionnellement, chaque SNS appelle à faire progresser la démocratie dans le monde. Pour des présidents aussi différents que Jimmy Carter et Ronald Reagan, cela était essentiel. La stratégie Trump de 2017 était indifférente à cette idée ; il a souligné les dangers de tenter d’aider les forces démocratiques en Irak, en Afghanistan ou dans tout autre État en faillite. Ses paroles du NSS sur la façon de « défendre les valeurs américaines » étaient peu nombreuses et arrivaient à la fin ; ils ont souligné qu’ils étaient un « phare de la liberté », mais qu’ils ne se battaient pas à l’étranger pour la liberté des autres.
Le NSS de Biden contient davantage de textes sur la promotion de la démocratie, mais il a obtenu peu de résultats. L’engagement de « soutenir l’autodétermination démocratique des peuples du Venezuela, de Cuba (et) du Nicaragua » est désormais pénible à lire. Les réfugiés de ces trois pays affluent vers les États-Unis – ce qui fait évidemment disparaître les voix en faveur de la réforme ou de la révolution dans leurs pays d’origine – une raison de plus pour laquelle l’absence de frontière américaine est une très mauvaise idée. Quant au Nicaragua, l’homme qui a pris le pouvoir en 1979, le totalitaire de gauche Daniel Ortega, reste au sommet de son perchoir, où il ordonne notamment la confiscation des infrastructures d’un collège jésuite respecté qu’il considère comme « terroriste ». Aucun État ni aucune organisation extérieure ne lève le petit doigt pour l’arrêter.
Les stratégies de sécurité nationale publiées pèchent généralement par excès de fadeur. En outre, ils ressemblent davantage à des plates-formes politiques (objectifs) qu’à des « stratégies » (comment y parvenir). C’était moins le cas avec le document de 2017. Une nouvelle vigueur est imminente. Avec de nouvelles idées et les mises à jour nécessaires, le nouveau NSS de cette équipe Trump devrait conserver sa structure : l’association de postures fortement déclaratives avec des « actions prioritaires » pour réaliser autant de cette vision que les réalités mondiales le permettent.
Le Dr Harmon de l’Institute of World Politics est l’auteur de Warfare in Peacetime (Marine Corps Univ. Press, 2023).