Les scientifiques ont produit un verre d’oxyde d’une ténacité sans précédent. Sous des pressions et des températures élevées, ils ont réussi à paracristalliser un verre aluminosilicate : les structures cristallines qui en résultent font que le verre résiste à des contraintes très élevées et sont retenues dans les conditions ambiantes. La paracristallisation s’avère ainsi être un procédé prometteur pour produire des verres extrêmement résistants à la casse.
À bien des égards, le verre est un matériau attractif pour les technologies modernes. Cependant, sa fragilité inhérente, qui le rend sujet aux fissures et aux fractures, limite ses applications potentielles. Les tentatives de recherche visant à renforcer considérablement la résistance du verre tout en conservant ses propriétés avantageuses ont largement échoué à produire les résultats escomptés.
Approche et processus innovants
La nouvelle approche présentée dans la revue scientifique Matériaux naturels commence par les verres d’oxyde qui ont une structure interne plutôt désordonnée et sont les matériaux verriers les plus largement utilisés commercialement. En utilisant comme exemple l’aluminosilicate, qui contient du silicium, de l’aluminium, du bore et de l’oxygène, l’équipe de recherche allemande et chinoise a réussi à lui donner une nouvelle structure. À cette fin, ils ont utilisé des technologies à haute pression et à haute température à l’Institut bavarois de recherche en géochimie et géophysique expérimentales (BGI) de l’Université de Bayreuth.
À des pressions comprises entre 10 et 15 gigapascals et une température d’environ 1 000 degrés Celsius, les atomes de silicium, d’aluminium, de bore et d’oxygène regroupés pour former des structures cristallines. Ces structures sont dites « paracristallines » car elles diffèrent significativement d’une structure complètement irrégulière, mais elles ne se rapprochent pas de la structure claire et régulière des cristaux. Tant les analyses empiriques utilisant des techniques spectroscopiques que les calculs théoriques ont clairement montré cet état intermédiaire entre les structures cristallines et l’irrégularité amorphe.
Implications de la paracristallisation
Même après une chute de pression et de température jusqu’à des conditions ambiantes normales, les structures paracristallines du verre aluminosilicate subsistent. La pénétration du verre avec ces structures se traduit par une ténacité du verre plusieurs fois supérieure à celle d’avant la paracristallisation. Elle atteint désormais une valeur allant jusqu’à 1,99 ± 0,06 MPa (m)¹/². Il s’agit d’une ténacité jamais mesurée auparavant pour les verres oxydes. Dans le même temps, la transparence du verre n’est pas sérieusement affectée par les structures paracristallines.
Les chercheurs expliquent l’extraordinaire renforcement du verre par le fait que les forces agissant de l’extérieur sur le verre, qui entraîneraient normalement des cassures ou des fissures internes, sont désormais principalement dirigées contre les structures paracristallines. Ils dissolvent des zones de ces structures et les retransforment dans un état amorphe et aléatoire. De cette manière, le verre dans son ensemble acquiert une plus grande plasticité interne, de sorte qu’il ne se brise pas ou ne se fissure pas lorsqu’il est exposé à ces forces, voire à des forces plus fortes.
Perspectives d’avenir
« Notre découverte met en évidence une stratégie efficace pour développer des matériaux en verre hautement tolérants aux dommages, que nous prévoyons de poursuivre avec nos recherches dans les années à venir », a déclaré le Dr Hu Tang, premier auteur de la nouvelle étude.
« L’augmentation de la ténacité due à la paracristallisation montre que les changements structurels au niveau atomique peuvent avoir un impact significatif sur les propriétés des verres d’oxyde. À ce niveau, il existe un grand potentiel d’optimisation du verre, un matériau qui est loin d’être épuisé », ajoute le professeur Tomoo Katsura de l’Institut bavarois de recherche en géochimie et géophysique expérimentales.