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Sommes-nous emmurés ? Comment repenser les murs en temps de confinement?

Et si, en raison du covid-19, nos murs prenaient une nouvelle forme? Et s’ils nous définissaient?

Je suis en train de lire « L’institut » de Stephen King, et cet ouvrage me force à la réflexion autour de l’enfermement en corrélation avec notre situation actuelle. Aujourd’hui, je me questionne sur la place nouvelle que nous accordons aux murs.

Ils étaient, dans l’avant, ce qui définissaient l’intime, le privé, notre intérieur, peut-être même cachaient-ils nos secrets. Ils sont devenus les marques physiques de notre condition actuelle. Ils matérialisent notre enfermement et surtout nous définissent comme confinés. C’est en leur sein que nous nous sentons enfermés et qu’ils signalent notre situation. Ils nous étiquettent, pour reprendre le vocabulaire d’Howard Becker.

Alors, oui, parfois nous ressentons l’élan de sécurité qu’ils nous confèrent. Quand, chaque jour, est annoncé le bilan de la journée, nous nous réfugions entre ces murs et nous nous y sentons bien. Les soignants et les caissiers n’ont pas ce luxe. Nous apprécions alors notre chance, nous humons l’air qui est toujours le même et on se dit qu’on est sain et sauf.

Pourtant, de plus en plus de personnes « craquent », le confinement se relâche, certains ne supportent plus de ne pas serrer leurs proches dans leurs bras. Dès lors, les murs deviennent de nouvelles frontières et marquent l’aspect tangible de notre souffrance.

Pour reprendre le terme d’Erving Goffman, les murs nous stigmatisent, pas vraiment entre individus mais entre notre vie d’avant et notre vie actuelle. Nous sommes des confinés, nous nous confinons et nous vivons en mode confiné. Ils nous forcent à reformuler notre identité autour de nouvelles normes et nouvelles valeurs. Pour preuve, les injonctions permanentes à nous reconstruire, à ne pas perdre notre temps, à profiter de l’ennui ou encore à réinventer notre vie.

Nous érigeons ou du moins, nous efforçons de bâtir de nouvelles authenticités, plus proches de la nature, d’une vie « vraie ». D’ailleurs, les plus provocateurs estiment que ce virus est la conséquence de notre inconséquence et de notre frivolité, notre châtiment. Je ne partage pas cette vision qui offrirait une légitimation et une excuse au virus qui pourrait presque être bienfaisant. Il ne l’est pas.

Mais revenons à nos quatre murs, à ces murs qui vont devoir faire constamment partie de nos vies. C’est ainsi que chaque jour, tant que se prolongera la crise, ils nous rappelleront qui nous sommes devenus. Nous sommes condamnés à osciller, non pas de la souffrance à l’ennui comme nous l’enseignait Schopenhauer, mais du sentiment de sécurité à l’oppression, celle qui nous prend à la gorge parce qu’on n’en peut plus. D’autant que les murs ne semblent plus suffire, le covid est pervers, il s’introduit même chez nous par le biais de nos sacs de course. 

Ainsi, de cette tension naissent de nouvelles configurations et de nouveaux paradigmes. A nous de faire pencher le pendule vers une résilience la plus prolifique possible.

Les Nébulations d’Estelle
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