La chasse veut montrer un nouveau visage, plus proche de la nature, plus vert, en osmose avec la faune et la flore. A les écouter, ses défenseurs seraient presque les nouveaux protecteurs de l’environnement.
Afin de peaufiner cette nouvelle image, une tendance émerge via les canaux numériques : les influenceuses dans le domaine de la chasse. Elles brillent sur les réseaux sociaux et cherchent à casser la réputation des chasseurs, trop âgés, trop masculins, trop dépassés.
Johanna Clermont est l’une de ces nouvelles égéries. Elle a 23 ans et pose des photos d’elle traquant du gibier, fusil à la main, souvent en compagnie de ses chiens, et comptabilise 120.000 abonnés sur Instagram. Elle a été interrogée par Marianne. On compte une dizaine d’autres influenceuses françaises profitant de ce nouveau business.
Elles sont aussi suivies que les hommes mais aiment à penser qu’elles insufflent un nouvel esprit à l’univers de la chasse souvent ringardisé et délégué aux hommes de plus de 55 ans. Bref, elles veulent rendre la chasse sexy, et ça marche.
Des communicantes pro-chasse utilisées par les marques
Elles sont devenues les égéries de marques pour vendre des fusils, des couteaux et autres combinaisons de camouflage. Les sociétés les contactent afin de promouvoir un nouvel article ou de gagner en visibilité sur les réseaux sociaux, par exemple « en taguant deux amis en commentaire ». Finalement, de la com classique, le B.A.-ba du bon community manager, promotionner le meurtre d’animaux est une activité comme une autre…
La chasse, sexy ? Vraiment?
Car oui, derrière ces jolis portraits souriants et ces beaux paysages de nature et d’évasion, pourquoi pas de coucher de soleil même, sans oublier les clichés de petits toutous attendrissants, on aurait presque l’impression que ces chasseuses ne sont pas là pour tuer.
Et effectivement, les photographies d’animaux morts, ou comme elles aiment les appeler de leurs « prélèvements », sont très rares voire inexistantes, expliquant que « ce n’est pas la partie la plus importante ». Il faudrait comprendre ici que le contact avec la nature ou le rapprochement avec l’essentiel priment… Formule bien ironique quand il est question de la vie d’un animal.
« J’essaye d’en partager très peu, parce que ce n’est pas la partie la plus importante et que les réseaux sociaux censurent. D’ailleurs certains chasseurs me le reprochent, en disant que j’ai honte de partager le prélèvement », explique Johanna Clermont.
Non, elles n’ont pas honte mais elles maitrisent parfaitement les codes de ce qui se fait et ne se fait pas sur les réseaux sociaux, ce qui va rendre attirant la chasse aux yeux de nombreux internautes. Somme toute, un fin calcul pernicieux.
Ces influenceuses donnent à voir un aspect plus glamour de la chasse alors que les femmes ne représentent que 2,5% des chasseurs selon les statistiques de la Fédération nationale de la chasse (FNC).
« Être chasseresse aujourd’hui permet d’être plus ‘populaire’ que certains hommes, car notre image est certainement plus douce que l’image masculine », estime Justine, une lycéenne de 17 ans qui compte 7.600 abonnés sur Instagram.
« Si j’avais été un homme, je n’en serais pas arrivé là, rapporte pour sa part Johanna Clermont. Je pense qu’une partie de mon succès est dû à ma féminité. On sait que la femme fait mieux vendre, et d’autant plus dans un monde d’hommes ».
Chasse à une nouvelle génération
« Il y a une nouvelle génération qui arrive, avec de plus en plus de jeunes chasseurs, explique Adrien Koutny, chargé des relations presse et des réseaux sociaux au sein de l’entreprise Browning, célèbre fabricant d’armes à feu. En plus d’apporter de la visibilité et du contenu, nos ambassadeurs permettent de se rapprocher des clients, qui les contactent pour leur poser des questions sur les produits ».
Le milieu de la chasse s’organise dans l’optique de drainer un nombre d’acheteurs plus important. Les sociétés spécialisés vont chercher les acheteurs là où ils étaient plutôt minoritaires en faisant émerger un esprit revivifié de la chasse, en utilisant des femmes tels des appâts…
Ces plans travaillés, très peu spontanés, sont des mensonges sur ce que représente réellement la chasse de par sa vocation à traquer et tuer l’animal dans de douloureuses souffrances. Pourtant, ces influenceuses s’enorgueillissent de leur succès.
« Cela permet de casser le stéréotype du sketch des Inconnus, d’un chasseur qui a la cinquantaine et boit de l’alcool. On montre une image plus féminine, plus élégante et plus jeune », estime Marine. « Les femmes apportent une image de la chasse différente, plus douce », souligne Margaux, une chasseuse de 28 ans.
Margaux défend fermement la chasse et est en guerre contre « les bouffons du RIP sur les animaux« , une initiative visant notamment à interdire certains modes de chasse. Par ailleurs, le 26 août, elle partageait un sondage du journal Le Point demandant s’il faut « interdire la chasse en France » : « La tendance est à deux doigts de s’inverser, ne lâchons rien !« .