Les élections présidentielles iraniennes ont longtemps été un théâtre de confrontations entre deux factions majeures : celles qui prônent un rapprochement avec l’Occident et les révolutionnaires radicaux qui favorisent l’Orient. Ces dernières élections mettent en évidence le lien profond entre la politique intérieure et la politique extérieure de l’Iran, un théâtre politique opposant les modérés aux extrémistes. Si la perception occidentale dominante est que l’Iran, en tant que gouvernement révolutionnaire, manque de rationalité pour mener une diplomatie calculée et n’a jamais cherché à être un État « normal », cette vision ne rend pas compte de la situation dans son ensemble. L’état actuel de la politique intérieure de l’Iran est, dans une certaine mesure, le résultat direct des politiques occidentales, qu’elles soient intentionnelles ou non.
Pour plusieurs raisons, la présidence de Massoud Pezeshkian offre une rare occasion de sortir Téhéran de l’impasse dans laquelle se trouvent ses relations avec l’Occident. Le problème, cependant, est le schéma récurrent de la politique étrangère américaine : renforcer la position des partisans de la ligne dure en Iran et faire dérailler les réformes structurelles. Un regard sur l’histoire récente montre comment les politiques de Washington ont involontairement poussé l’Iran vers le radicalisme, l’empêchant de devenir un État normalisé au sein de l’ordre mondial.
La première de ces politiques américaines a été la destruction des canaux diplomatiques. Il est largement reconnu que le retrait américain de l’accord nucléaire de 2015 – malgré le respect par l’Iran de l’accord pendant deux ans et 15 inspections vérifiées – a été un rejet flagrant des accords et normes internationaux, dont beaucoup ont été créés par les États-Unis. Ce n’était pas la première fois que la politique américaine sapait la diplomatie. En 2001, l’Iran a joué un rôle constructif dans la coopération en matière de renseignement avec les États-Unis dans la lutte contre les talibans et a aidé à former le gouvernement afghan pendant la conférence de Bonn. L’Iran est également resté neutre pendant l’invasion américaine de l’Irak. À l’époque, le président Khatami, un défenseur du dialogue avec l’Occident, dirigeait l’Iran, et la structure politique n’était pas encore prête à s’opposer à lui. Cependant, le tristement célèbre discours de George W. Bush sur « l’axe du mal » a effacé des années d’efforts diplomatiques et fait dérailler les progrès réalisés pendant l’ère Clinton-Khatami. Cela a conduit à une série d’escalades de confrontations, notamment les ambitions nucléaires de l’Iran sous Ahmadinejad, la militarisation régionale et la montée en puissance des Gardiens de la révolution (IRGC) en tant qu’« État dans l’État ».
Ces évolutions se sont aggravées sous la présidence de Donald Trump, qui, après des années de négociations laborieuses, a brusquement retiré les États-Unis de l’accord sur le nucléaire. Cette décision a ravivé les éléments d’extrême droite au sein du régime iranien, conduisant à la formation d’un front politique unifié qui a réprimé l’opposition et poussé l’Iran à enrichir l’uranium à 60 % tout en réduisant ses engagements de sécurité envers l’Occident.
Si le président iranien Ebrahim Raïssi et son ministre des Affaires étrangères, partisans de la ligne dure, n’avaient pas péri dans un accident d’hélicoptère, la région aurait pu être au bord d’une guerre à grande échelle impliquant les États-Unis. Aujourd’hui, cependant, avec la montée des réformistes et l’arrivée au pouvoir de Massoud Pezeshkian, une nouvelle – peut-être la dernière – opportunité s’offre à nous de sortir de l’impasse entre l’Iran et l’Occident. À l’heure actuelle, deux questions majeures restent cruciales : le dossier nucléaire iranien et la crise actuelle au Moyen-Orient. Ces deux questions constituent des tests clés pour la diplomatie américaine avec l’Iran. Jusqu’à présent, les Américains ont réussi à bloquer tout processus de réforme en Iran et ont contribué à renforcer les partisans de la ligne dure iranienne ; mais le contexte international est différent désormais, et l’Iran a plus de liberté que jamais pour agir alors que l’instabilité mondiale s’accroît.
Le retour potentiel de Trump à la Maison Blanche, combiné à l’escalade des tensions entre Washington et Pékin, à la guerre en Ukraine et au conflit de plus en plus profond entre Israël et le Moyen-Orient, pourrait aggraver encore la situation. Si les sanctions contre l’Iran concernant son programme nucléaire ne sont pas résolues, Téhéran a plusieurs options, notamment provoquer un conflit entre Israël et le Liban, perturber les voies de navigation dans la mer Rouge et le détroit de Bab-el-Mandeb, poursuivre le développement d’armes nucléaires ou inviter la Chine et la Russie dans le golfe Persique en leur offrant des bases militaires dans des voies navigables régionales stratégiques.
Le rôle potentiel de l’Iran comme cheval de Troie de la Chine et de la Russie dans la région pourrait remodeler la sécurité et la géopolitique mondiales. Pour les États-Unis, le moment est venu de se détourner du Moyen-Orient et de se concentrer sur des crises stratégiques et géopolitiques plus vastes. L’issue de la guerre en Ukraine pourrait également changer radicalement avec la formalisation d’un pacte de sécurité entre Téhéran et Moscou, une démarche qui aurait de profondes répercussions sur l’Occident et l’Europe.
Compte tenu de cette dynamique, les États-Unis devraient saisir l’opportunité que représente le changement de politique interne de l’Iran. Si la diplomatie échoue à nouveau, l’Iran poursuivra son pivotement vers l’Est, en approfondissant ses liens avec la Chine et la Russie – un scénario que Washington ne peut pas se permettre. Le régime de sanctions s’éternisant, il alimente la montée des partisans de la ligne dure et la militarisation de l’Iran, ce qui rend la diplomatie future encore plus difficile. Compte tenu des efforts américains pour limiter l’influence du CGRI dans la région et sur le plan intérieur, un accord sur le programme nucléaire iranien pourrait constituer une étape cruciale pour instaurer la confiance. Le non-respect des engagements internationaux obligera probablement les négociations futures à se concentrer sur le nombre d’armes nucléaires que possède l’Iran plutôt que sur la prévention de leur développement.
Si la diplomatie est véritablement l’art de la négociation et du respect des accords, le moment est venu pour les deux parties de renforcer la confiance et de passer de la confrontation à la coopération, résolvant ainsi la crise du Moyen-Orient à sa racine.