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La Chine appelle à des élections pour désamorcer la guerre civile au Myanmar

La Chine appelle à des élections pour désamorcer la guerre civile au Myanmar

En juillet, le PCC a invité les dirigeants de quatre partis politiques birmans à Pékin dans le cadre de la campagne électorale menée par la Chine. Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis des élections en 2025 et la Chine a promis son soutien. Cependant, cette décision de Pékin relève de l'opportunisme, et non de la bienveillance.

Pékin change de tactique alors que la guerre civile se prolonge au Myanmar

L'intérêt de la Chine pour le Myanmar a toujours été avant tout économique, avec des investissements importants dans les infrastructures via le corridor économique Chine-Myanmar, qui fait partie de l'initiative Ceinture et Route. Ce corridor relie la province du Yunnan, dans le sud de la Chine, à l'Asie du Sud-Est et à l'océan Indien. Les investissements chinois visent également à sécuriser les ressources naturelles, notamment le bois, les métaux, les terres rares, les pierres précieuses, l'électricité, le pétrole et le gaz via l'oléoduc Chine-Myanmar.

La Chine a appelé à plusieurs reprises à un cessez-le-feu et négocié de nombreux accords, qui ont tous échoué faute de répondre aux véritables revendications des différents groupes et armées ethniques du Myanmar. Plus récemment, Pékin a appelé à l’unité, mais ces efforts manquent d’authenticité et reflètent une mauvaise compréhension de la phase actuelle de la guerre civile au Myanmar.

La préférence de Pékin pour des élections démocratiques peut paraître surprenante, dans la mesure où la Chine s'oppose traditionnellement à la présence d'une démocratie à ses frontières, préférant traiter avec une junte toute-puissante, exempte de toute préoccupation en matière de droits de l'homme ou de limites parlementaires. La Chine n'étant pas elle-même une démocratie, elle ne se préoccupe généralement pas de promouvoir la démocratie dans d'autres pays.

Le récent changement de ton est donc révélateur : il suggère que Pékin ne croit plus que la junte peut reprendre le contrôle et considère plutôt les élections comme le moyen le plus pratique de stabiliser le pays et de protéger les investissements chinois.

La junte avait initialement prévu d’organiser des élections bien plus tôt, mais elles ont été reportées à plusieurs reprises, Min Aung Hlaing déclarant que les élections ne pourraient avoir lieu qu’une fois la paix rétablie. Si les élections ont finalement lieu, il faut s’attendre à ce qu’elles soient profondément entachées d’irrégularités, voire dénuées de sens. Min Aung Hlaing a indiqué qu’elles ne pourraient avoir lieu que dans les zones contrôlées par la Tatmadaw, ce qui représente actuellement environ 30 % du pays.

Les principaux acteurs de l'élection hypothétique en Chine

Seuls les partis enregistrés auprès de la commission électorale seraient autorisés à participer aux élections. La Ligue nationale pour la démocratie (LND), principal parti pro-démocratie, a déjà été interdite, dissoute et ses dirigeants encore en place au Myanmar ont été emprisonnés. Ceux qui ont fui ont formé le Gouvernement d’unité nationale (NUG) en exil, qui s’aligne sur de nombreuses armées ethniques et représente une grande partie de la population. Cependant, le NUG n’a pas été invité à la récente réunion de Pékin et il est probable qu’il soit également exclu des élections.

La Birmanie abrite 135 groupes ethniques, dont beaucoup ont leurs propres armées ethniques et partis politiques. Lors des élections de 2020, il y avait 90 partis politiques ; cependant, au moins 40 ont été dissous de force par la junte après le coup d'État. Cela soulève la question de savoir pourquoi le Parti de l'union, de la solidarité et du développement (USDP), le Parti du peuple, le Parti du front d'Arakan (AFP) et le Parti démocratique shan et ethnique (SEDP) ont été choisis par Pékin. Tous les quatre sont enregistrés auprès du Conseil d'administration de l'État (SAC) de la junte et aucun n'est aligné sur le Gouvernement d'unité nationale (NUG) pro-démocratie en exil. Leur proximité avec les investissements chinois et leurs relations avec le SAC en font également des choix favorables.

L’objectif de la Chine pourrait être de s’assurer que ces partis ethniques collaborent avec la junte ou restent neutres à son égard, évitant ainsi des conflits qui pourraient perturber la planification économique à long terme de Pékin.

Le Parti de l'union pour la solidarité et le développement (USDP) est un parti pro-militaire étroitement lié au SAC. Fondé par l'armée, bon nombre de ses dirigeants sont d'anciens officiers militaires. Depuis le coup d'État, l'USDP soutient les actions de l'armée et n'est pas un parti démocratique. Il est aligné sur les milices pro-gouvernementales, les Forces de garde-frontières (BGF) et d'autres groupes liés à la Tatmadaw.

Le Parti du peuple est né du mouvement pro-démocratie, mais son rôle actuel est moins défini. Bien qu'il ne soit pas ouvertement aligné sur le SAC, il pourrait opérer dans le cadre des contraintes imposées par la junte. Après le coup d'État de 2021, son chef, U Ko Ko Gyi, s'est engagé à poursuivre une lutte politique non violente, mais a ensuite approuvé le plan électoral proposé par la junte aux côtés des partis pro-militaires. Bien qu'il soit moins lié au SAC que l'USDP, le Parti du peuple ne peut pas être classé comme un véritable groupe de résistance pro-démocratie.

Le Parti du Front d’Arakan (AFP), basé dans l’État d’Arakan, s’est séparé des autres partis pro-démocratie et a rejeté la Ligue nationale pour la démocratie. Ses relations avec le SAC sont complexes. Si l’AFP vise à représenter les intérêts ethniques de l’État d’Arakan, elle a montré une volonté pragmatique de travailler avec le SAC, notamment dans les négociations pour une plus grande autonomie. Bien qu’elle ne soit pas explicitement favorable à la junte, l’AFP peut collaborer avec le SAC lorsque cela sert ses objectifs régionaux.

Français Le Parti démocratique ethnique et shan (SEDP) représente le peuple shan et collabore de manière pragmatique avec le Conseil d'administration de l'État (SAC) pour faire avancer les intérêts du groupe. Il ne s'oppose pas fermement au SAC et adopte souvent une position opportuniste plutôt que de s'aligner sur les mouvements pro-démocratie. Dans l'État shan, le SEDP partage des objectifs communs avec des armées ethniques comme le Conseil de restauration de l'État shan/Armée de l'État shan-Sud (RCSS/SSA-Sud) et le Parti du progrès de l'État shan/Armée de l'État shan-Nord (SSPP/SSA-Nord). Bien que le RCSS/SSA-Sud ait signé un accord de cessez-le-feu national (NCA) avec le gouvernement, les tensions avec l'armée persistent, en particulier avec le SSPP/SSA-Nord, qui n'a pas signé le NCA mais maintient une trêve avec d'autres armées shan. Aucune des principales armées shan n'est actuellement engagée dans des combats actifs avec les forces gouvernementales. Dans l'ensemble, le SEDP et les armées ethniques shan coopèrent souvent avec l'armée plutôt que de s'y opposer pleinement.

Les intérêts économiques sous-tendent le pivot de la Chine

Les investissements chinois sont importants dans les régions où ces partis politiques ont une influence. L’alignement sur l’USDP permet de sécuriser les investissements chinois à Mandalay, Yangon et Sagaing. À Mandalay, plaque tournante clé du transit des marchandises chinoises, les investissements chinois dans les infrastructures (routes, ponts et zones industrielles) soutiennent les routes commerciales reliant la province du Yunnan à l’océan Indien. De même, à Yangon, l’implication de la Chine dans le développement immobilier et des infrastructures, comme le projet de la nouvelle ville de Yangon et les extensions portuaires, renforce son ancrage dans la capitale commerciale du Myanmar, stimulant ainsi le commerce et l’industrie manufacturière.

Dans la province de Sagaing, les entreprises chinoises sont impliquées dans des opérations minières controversées, notamment la mine de cuivre de Letpadaung, qui fait face à une opposition locale en raison de préoccupations environnementales et de droits de l’homme. Alors que l’USDP est censé contrôler l’ensemble du pays, la réalité est différente dans les États de Rakhine et de Shan, où de puissantes organisations ethniques armées réclament une plus grande autonomie. Pour préserver ses projets à long terme, Pékin se protège en s’engageant également avec des parties de ces régions.

Français L'inclusion du Parti du Front d'Arakan (AFP) et du Parti démocratique ethnique Shan (SEDP) contribue à sécuriser les investissements chinois dans les États de Rakhine et de Shan. Dans l'État de Rakhine, la zone économique spéciale (ZES) de Kyaukphyu et le port en eau profonde comptent parmi les projets les plus cruciaux de la Chine au Myanmar. Dans le cadre de l'initiative Belt and Road, la ZES de Kyaukphyu donne à la Chine un accès direct à l'océan Indien, réduisant ainsi sa dépendance à l'égard du détroit de Malacca pour les importations de pétrole et de gaz. Les biens et ressources chinois peuvent être transportés par pipelines et par voies terrestres du Myanmar à la province du Yunnan. Les oléoducs et gazoducs Chine-Myanmar, qui partent de Kyaukphyu, sont essentiels à la sécurité énergétique de la Chine et constituent un élément clé du corridor économique Chine-Myanmar (CMEC).

L'État Shan abrite d'importants projets hydroélectriques chinois, tels que les centrales Upper Yeywa et Shweli-3, qui fournissent de l'électricité à la Birmanie et sont essentielles à la stratégie énergétique de la Chine en Asie du Sud-Est. La région compte également des intérêts chinois dans le secteur minier, notamment dans les terres rares, l'étain et d'autres minéraux essentiels aux secteurs technologique et manufacturier chinois. En outre, la longue frontière de l'État Shan avec la province chinoise du Yunnan en fait une zone essentielle pour le commerce frontalier.

Conclusion

La décision de la Chine de rencontrer ces quatre partis indique une stratégie visant à légitimer les élections proposées par la SAC, que le NUG et les observateurs internationaux ont rejetées comme n’étant ni libres ni équitables. En s’engageant avec des partis susceptibles de participer à des élections contrôlées par la SAC, la Chine montre sa préférence pour la stabilisation du Myanmar sous la junte plutôt que de soutenir les efforts pro-démocratiques du NUG. L’exclusion du NUG, qui représente le gouvernement renversé et conserve un fort soutien parmi les armées ethniques, suggère que la Chine évite soigneusement les groupes qui s’opposent ouvertement au régime militaire. En fin de compte, cette décision éloigne également la Chine de l’influence occidentale, car le NUG bénéficie du soutien international, en particulier des États-Unis et de l’Europe. Un engagement avec le NUG pourrait tendre les relations de la Chine avec la junte et compromettre ses investissements. Dans l’ensemble, l’objectif de la Chine semble être de maintenir son influence auprès de l’armée et des principaux acteurs ethniques pour assurer la stabilité de ses intérêts économiques et géopolitiques, tout en mettant de côté les mouvements pro-démocratie et en se positionnant comme un acteur extérieur clé dans l’avenir du Myanmar.

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