Blennie de Tompot (Parablennius gattorugine). Les Blenniidae et les Gobiidae sont deux familles de poissons peu étudiées et peu médiatisées. Crédit : © Roland GRAILLE/CNRS Images
Les recherches révèlent que les poissons de récif les plus menacés sont souvent les moins étudiés et les moins appréciés, l'intérêt du public et des scientifiques étant orienté vers des espèces ayant une valeur commerciale ou esthétique. espèces.
Cette lacune, mise en évidence par l’analyse de sources de big data, souligne la nécessité d’une stratégie de conservation qui réaligne l’intérêt humain avec l’importance écologique.
Poissons de récifs méconnus : une découverte surprenante
Les poissons de récif les plus menacés sont aussi les plus méconnus des scientifiques et du grand public. C'est le constat surprenant d'une équipe de scientifiques dirigée par un chercheur du CNRS.(1) Dans une étude à paraître dans Progrès scientifiques Le 17 juillet, ils ont mesuré le niveau d'intérêt de l'homme pour 2 408 espèces de poissons de récifs marins et ont constaté que l'attention de la communauté scientifique est davantage attirée par la valeur commerciale que par la valeur écologique des poissons. Le public, en revanche, est principalement influencé par les caractéristiques esthétiques de certaines espèces, comme le poisson-lion rouge (Pterois volitans) et le poisson mandarin (Synchiropus splendidus).
Le rôle des blennies et des gobies dans les écosystèmes récifaux
Prenons l’exemple des blennies (Blenniidae) et des gobies (Gobiidae). Ces deux familles de poissons nagent généralement sous le radar des chercheurs et du grand public, mais en tant que nettoyeurs, ils jouent un rôle clé dans le fonctionnement des récifs. De petite taille, ils sont essentiels au transfert d’énergie et de matière des minuscules proies aux plus gros consommateurs des récifs (trophodynamique).(2)
Le Big Data révèle des disparités dans l'attention portée à la recherche marine
Pour parvenir à leurs conclusions, les chercheurs se sont appuyés sur des big data compilées à partir de bases de données scientifiques, des réseaux sociaux et des statistiques de consultation des pages Wikipédia des différentes espèces de poissons. Ils ont constaté que, si les 2 408 espèces étudiées cumulaient plus de 17 millions de vues sur Wikipédia, plus de 50 % de ces vues ne concernaient que 7 % des espèces et 20 % des vues ne concernaient que 1 %. De plus, près de 50 % des publications scientifiques sur les poissons étudiés ne concernaient qu’un sous-ensemble de 1 % des espèces.
Lutter contre le biais de conservation
Les travaux de l’équipe de recherche mettent en lumière un biais qui menace directement la conservation des poissons de récifs marins, un biais d’une telle ampleur qu’il les pousse à tirer la sonnette d’alarme. Ils soulignent l’importance d’aligner l’intérêt humain pour la biodiversité avec les besoins et les priorités de conservation pour des écosystèmes sains. Ils suggèrent de lancer des campagnes de sensibilisation du public aux espèces menacées et négligées. Enfin, ils prônent la mise en place de programmes de recherche prenant en compte toutes les composantes des écosystèmes, pour une stratégie de conservation globale qui ne soit plus guidée par des impératifs commerciaux.
Remarques
- Cette recherche est le fruit d'une collaboration entre des scientifiques des unités de recherche Biodiversité Marine, Exploitation et Conservation (CNRS / IFREMER / IRD / Université de Montpellier) et Écologie Marine Tropicale des Océans Pacifique et Indien (IFREMER / IRD / Université de la Réunion / Université de Nouvelle-Calédonie) et la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité.
- La chaîne trophodynamique est un ensemble de chaînes alimentaires interconnectées au sein d'un écosystème.